Le premier janvier 2008, le canton d’Obwald a introduit la «flat tax», un impôt proportionnel sur le revenu, qui profite surtout aux plus riches.
Commençons par rappeler les faits. Le 11 décembre 2005, le demi-canton d’Obwald introduisait, après Schaffhouse, une nouvelle loi d’impôt prévoyant de transformer l’impôt sur le revenu des personnes physiques en impôt dégressif. En clair, au-delà de 300’000 francs de revenus et de 5 millions de fortune, le taux d’impôt cantonal diminuait. Cette nouvelle loi devait occasionner près de 20 millions de francs de pertes fiscales pour le fisc obwaldien, mais elle était supposée inciter les personnes disposant de hauts revenus à venir s’installer dans ce canton de Suisse centrale transformé en paradis fiscal. Selon le ministre des finances PDC promoteur de cette réforme favorable aux riches, les impôts acquittés par les nouveaux contribuables devaient rapidement compenser les pertes initiales.
L’affaire avait toutefois provoqué un bras de fer juridique: en effet, la Constitution fédérale prévoit que chacun soit taxé selon «sa capacité contributive», un principe que la nouvelle loi fiscale d’Obwald transgressait ostensiblement. Le 1er juin 2007, le Tribunal fédéral décidait donc par 6 voix contre 1 de casser celle-ci. Troquant une nouveauté contre une autre, le gouvernement d’Obwald présentait alors un nouveau projet destiné à remplacer l’impôt dégressif par un impôt à taux unique sur le revenu. Le 16 décembre, cette «flat tax» était acceptée en votation populaire par 90.7% des votants. Même le parti socialiste obwaldien n’avait pas jugé utile de s’opposer à cette nouvelle loi, entrée en vigueur avec le commencement de l’an neuf.
La «flat tax»: plus tu peux payer, moins ça te coûte.
Le principe de ce nouvel impôt jusqu’alors inconnu en Suisse est simple: tous les revenus sont imposés à un taux unique (fixé à Obwald à 5.31%), après déduction d’une franchise de 10’000 francs. Pour les revenus les plus bas, déjà peu imposés, cette nouvelle loi ne change pas grand chose. Les contribuables les plus riches, par contre, réalisent de substantielles économies d’impôt.
La logique de vive concurrence fiscale intercantonale dans laquelle s’inscrit la mesure prise par Obwald est elle aussi en premier lieu favorable aux contribuables les plus aisés. Eux seuls pourront en effet déplacer leur domicile fiscal aisément, passant d’un lieu à l’autre au gré des lois fiscales et de leur révision. N’en déplaise à ses promoteurs, une telle mesure n’est pourtant pas un jeu à somme nulle: car en effet, les cantons environnants ont déjà décidé de renchérir en proposant de nouvelles baisses d’impôt, censées éviter le départ de leurs contribuables aisés sous les cieux obwaldiens. Appenzell Rhodes extérieures a ainsi baissé l’impôt sur les bénéfices des entreprises à 6% (passant ainsi sous le taux de 6.6% en vigueur à Obwald), tandis que les cantons de Schaffhouse et de Saint-Gall sont prêts à introduire à leur tour la «flat tax». Dans ce dernier canton, la facture fiscale 2008 vient en outre d’être abaissée de 10%, une mesure une fois de plus surtout avantageuse pour les contribuables riches. Si la sous-enchère fiscale profite à ces derniers, la baisse des recettes fiscales qu’elle engendre nuit aux moins aisés, touchés à long terme par l’inévitable diminution des prestations de l’Etat.
Laboratoire d’une fiscalité suisse néolibérale
Le socle des dépenses nécessaires et incompressibles à l’existence est semblable pour tous. Chaque franc supplémentaire est d’autant moins nécessaire que le revenu total est supérieur à ce seuil incompressible du «minimum vital». Ce constat est si évident que même la droite radicale, a posé pendant un siècle les bases de la fiscalité helvétique sur le principe de la progressivité: plus un contribuable dispose d’un revenu important, plus le taux d’impôt qui le frappe est élevé. En substituant le principe de la proportionnalité à celui de la progressivité, la nouvelle loi fiscale d’Obwald bouleverse les principes de la fiscalité helvétique, et illustre à la fois le glissement vers le néolibéralisme de la droite helvétique et l’incapacité de la gauche institutionnelle à s’y opposer. Le demi-canton confirme en outre son rôle de laboratoire fiscal national. Il ne faut pas se leurrer: des projets visant à diminuer ou à supprimer la progressivité de l’impôt direct existent non seulement dans d’autres cantons, mais ils sont également prônés par les associations patronales au niveau fédéral, et la «flat tax» n’est sans doute pas la dernière disposition visant à diminuer la redistribution sociale de la richesse opérée par le biais de la fiscalité.