3 questions à Ruth Dreifuss, ancienne conseillère fédérale, présidente du comité national pour le double non
Pages de gauche: Pourquoi avez-vous décidé de présider le comité national contre les deux lois?
Ruth Dreifuss: Avant tout, parce que la question de l’accueil réservé par la Suisse aux étrangers et étrangères me préoccupe depuis ma petite enfance (vécue à lombre du nazisme) et mes premiers engagements politiques (à lheure des migrations italienne et espagnole et des initiatives xénophobes). D’autre part, j’étais disponible, du fait que je n’exerçais pas de fonction incompatible avec un engagement de ce type, et j’ai pensé que je pouvais être utile à cette cause qui m’est chère.
Comment avez-vous trouvé la manifestation du 17 juin qui a mobilisé 11000 participant-e-s?
J’ai été heureuse de voir des personnes que l’on ne rencontre généralement pas à des manifestations de rue. Ce sont des personnes qui, à titre personnel, se sentent interpellées par le sort fait aux réfugié-e-s, aux travailleur-euse-s étranger-ère-s et plus généralement aux migrant-e-s. Par ailleurs, il régnait une grande discipline. Certain-e-s manifestant-e-s qui parfois se plaisent à provoquer le service d’ordre ont fait preuve de retenue, par respect à l’égard des personnes directement concernées par les lois contestées, certaines ayant subi dans leur pays des violences policières, dautres étant dépourvues dautorisation de séjour. En peu de mots: la manifestation a exprimé un sentiment de responsabilité citoyenne.
A la tribune, vous avez dit qu’il fallait voter non à la loi sur les étrangers/ères et à la révision de la loi sur l’asile au risque sinon que nos petits-enfants aient un jour honte de nous, une phrase forte!
En légiférant sur l’asile à la fin des années 70, la Suisse a voulu tirer les leçons de la seconde guerre mondiale et éviter que des situations dramatiques ne se reproduisent. Or, depuis lentrée en vigueur de la loi sur lasile en 1981, il y a eu une érosion progressive de la capacité daccueil. Nous avons pris des engagements internationaux, mais avons de plus en plus de peine à les satisfaire. Et nous vivons pourtant actuellement dans une situation tellement plus favorable que lors de la guerre. Nous demander ce que nos petits-enfants penseront de nous devrait nous questionner plus souvent.