Vaud : l’irresponsabilité gouvernementale

La rédaction •

Après plusieurs journées de grève et des manifestations massives de la fonction publique et parapublique du canton de Vaud, le Conseil d’État refuse toujours d’ouvrir des négociations avec les syndicats. On pensait que l’expérience du mouvement de la fin 2022 et du début 2023 pour une pleine indexation des salaires, qui avait lui aussi été massif, lui avait servi de leçon pour mieux comprendre les rapports politiques dans le canton. Or il faut bien admettre qu’il semble n’en être rien. Depuis sa dernière élection, l’équipe en place – en particulier le quarteron Luisier, Borloz, Moret, Dittli, soit les ministres de droite – a quand même réussi l’exploit de provoquer les deux plus grandes mobilisations de la fonction publique depuis longtemps, d’échouer à surveiller les comptes du canton avec suffisamment de sérieux pour éviter l’activation du frein à l’endettement, et de s’embourber sans l’aide de personne dans les frasques de Valérie Dittli, tout en causant la démission d’une autre de ses membres du fait de l’ambiance qui règne entre elles et eux. À cela s’ajoutent les fautes politiques grossières comme l’augmentation de ses propres traitements tandis qu’on impose l’austérité à tou·tes les salarié·es de l’État, ou des maladresses pendables, anecdotiques mais significatives d’une perte du sens des réalités, comme l’affaire des limousines du Conseil d’État. Tout ceci donne une bien piètre image de ce collège, élu comme on sait par accident et qui de toute évidence n’était pas prêt à assumer le pouvoir. Les 18 mois qui nous séparent de la fin de son mandat risquent donc d’être longs, très longs, car rien ne dit qu’ils ne seront pas entachés des mêmes dérapages et absurdités que la quarantaine déjà écoulée, la perspective d’une réélection semblant fort heureusement d’ores et déjà peu probable pour cette même raison.

Le creusement du déficit n’a cependant pas été causé par la seule impéritie de l’actuel gouvernement. Les politiques constantes de baisses fiscales de ces dernières années, couplées aux pratiques illégales liées au bouclier fiscal, presque assurément validées par Pascal Broulis et très probablement par l’ensemble du Conseil d’État, et la politique absurde du même Broulis consistant à rembourser une dette au lieu d’investir en période de taux d’intérêt historiquement bas[1], ont conduit le canton dans cette situation. La nullité de son personnel politique actuel n’a fait qu’accélérer les choses, elle ne les a pas provoquées.

Le Conseil d’État ne semble rien avoir appris des avanies du début de son mandat. Ses membres, toute honte bue, osent aujourd’hui parler de compromis et de dialogue alors qu’ils et elles le refusent depuis le départ. Dans cette affaire, le Conseil d’État, comme il en a pris l’habitude depuis son entrée en fonction, s’est contenté de « convoquer » les syndicats pour leur communiquer sa décision de baisser les salaires de la fonction publique. À aucun moment il ne s’est agi de négocier quoi que ce soit, ni d’envisager un quelconque compromis. Cette manière de faire est non seulement contraire aux usages, mais elle est aussi complètement idiote politiquement. L’actuel gouvernement n’a visiblement pas compris la fonction de syndicats dans une démocratie, fonction qui est d’ailleurs utile à la gauche comme à la droite bien qu’elles l’utilisent différemment : celle de servir d’interlocuteur à l’employeur. Le mépris témoigné à leur égard a pour conséquence ce que l’on observe aujourd’hui : un mouvement d’une ampleur qu’on n’avait plus connue depuis la fin des années 1990, un renforcement très significatif des syndicats en place grâce à de nouvelles adhésions, et la possible réapparition d’un syndicalisme de combat qui juge que le dialogue avec l’État est une perte de temps. Du point de vue d’un gouvernement de droite minimalement responsable, ces effets sont autant d’échecs, et ce sont, faut-il le souligner, des échecs qui seront encore plus criants à long terme (donc quelle que soit l’issue du mouvement actuel).

Il faut encore dire quelque chose des trois membres représentant la minorité de gauche dans l’actuel Conseil d’État. Lorsqu’on est élu par le peuple – contrairement aux Conseillères·ers fédérales·aux –, on est porteur d’une responsabilité politique que la participation à un collège gouvernemental n’annule pas magiquement le jour de son entrée en fonction. Si, après avoir tenté sans succès d’infléchir les décisions du gouvernement, des ministres socialistes ou vert·es ne font pas savoir publiquement qu’ils et elles désapprouvent des baisses de salaire de la fonction publique et des coupes dans les services publics, on peut à bon droit se demander à quoi ils et elles servent. Dans le cas qui nous occupe, une telle rupture de collégialité aurait dû intervenir il y a des mois. La séquence actuelle, avec un durcissement du mouvement des salarié·es, désormais lancé·es dans une grève reconductible inédite depuis de nombreuses années, laisse aux trois élu·es une dernière chance. Ajoutons au passage que cette décision a des conséquences collectives : leur actuel silence est en passe de discréditer les mouvements politiques dont il et elles sont les représentant·es, le socialisme et l’écologie. Accessoirement, une ruture avec la majorité du Conseil d’État, aussi tardive soit-elle, leur permettrait aussi de marquer leur différence avec ses autres membres, dont on a rappelé plus haut la nullité, qui confine parfois franchement au ridicule.

Comme on sait, les circonstances font qu’il y aura désormais une élection complémentaire au mois de mars qui rend cette rupture de collégialité d’autant plus importante, son absence pouvant sérieusement remettre en cause le maintien d’un siège de gauche pour le reste de la législature. Une de leurs anciennes collègues a appris à ses dépens combien il en coûte de s’attaquer à la fonction publique durant son mandat. Nuria, Rebecca, Vassilis, vous savez ce qu’il vous reste à faire.


[1] Politique économiquement absurde qui lui a logiquement coûté les habituelles et lucratives sinécures dans les différents conseils d’administration habituellement réservés aux ministres de droite à la retraite : n’importe quelle entreprise qui suivrait pareille politique ferait faillite à brève échéance.

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