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Unité mon amour

Pour la gauche, peu de questions ont l’importance qu’a celle de l’unité. Elle se pose, sous des formes différentes, à tout niveau, de l’international au plus local. La Suisse ne déroge pas à la règle comme en témoigne le triste exemple de la désunion de l’extrême gauche genevoise et le «remake» des Liaisons dangereuses dont nous gratifient les Verts et les Socialistes.

Le militant de gauche, un peu naïf comme il se doit, peine à comprendre ces dissensions internes. Certes, les différentes composantes de la gauche divergent sur la méthode de dépassement du capitalisme, mais toutes se retrouvent sur des valeurs fondamentales, de l’affirmation que les pauvres ne sont pas des fainéants qui s’ignorent à celle que la solidarité est une plus belle valeur que la concurrence. La pluralité des visions et des interprétations a toujours été l’une des caractéristiques, souvent enrichissante, de la gauche. Mais lorsque cette caractéristique a des conséquences néfastes, de la perte d’une élection à la chute de la démocratie, le militant de gauche a de quoi être dépité.

 

L'espoir de l'unité

A ce dépit est proportionnelle l’espérance que véhicule l’improbable unité réalisée par certaines gauches: les fronts populaires… S’il y a une image fédératrice gravée aux coeurs des militants de gauche, c’est bien celle-là: le Front Populaire français qui, en 1936, symbolise l’unité ouvrière contre le péril fasciste; le Frente Popular espagnol, dans son sillage, qui, dès juin 1936, prend les armes pour défendre la République contre la Réaction; l’Unidad Popular d’Allende qui, en 1970, marche sur les traces d’un précédent front porté au pouvoir en 1938 et qui apporte un espoir immense, espoir assassiné le 11 septembre 1973. El pueblo unido jamas sera vencido… A l’heure de fêter les septante ans des fronts populaires français et espagnol, il nous est paru opportun de revenir sur ces expériences. A une approche linéaire, nous avons préféré une approche transversale, car ces expériences, dans leurs similitudes, ont beaucoup à nous apprendre. Comment se construit l’unité, quel est le terreau qui lui permet de croître? Quel est ce plus petit dénominateur commun qui fédère les gauches? Le pouvoir conquis, encore faut-il frotter une unité de papier à la rude réalité de l’application d’un programme. Force est de constater que le «plus petit dénominateur commun» ne signifie pas «programme minimaliste» car, des nationalisations aux expropriations en passant par les congés payés ou la semaine de 40 heures, ces gouvernements ont mené, ou ont essayé de mener, des réformes en profondeur. Et le peuple? Sensé être le premier à bénéficier de ces réformes, il ne s’est jamais contenté de n’être qu’un électeur ou une électrice, mais a donné sa chair aux fronts populaires et, ces réformes, il les a conquises de haute lutte. Enfin, le dernier point commun de ces périodes d’unité a été, malheureusement, leur brièveté. Attaqués violemment par la Réaction – de la droite parlementaire aux fascistes, en passant par l’Eglise ou les militaires – minés par des fêlures internes, aucun de ces fronts n’a constitué une expérience durable.

 

De l'expérience à la légende

Cette brièveté a sans aucun doute contribué à la mythification de ces expériences. Mais elle ne suffit pas à expliquer cet engouement qui semble se moquer des années. En termes d’impacts réels, le bilan est plutôt mitigé. Alors pourquoi? Parce que les fronts populaires, avec toutes leurs imperfections, sont l’illustration que la gauche peut, par l’union, conquérir le pouvoir et dépasser les déchirures fraternelles.

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