La 5e révision de l’AI s’attaque aux personnes qui pourraient un jour avoir besoin de l’AI, et en particulier à celles souffrant de troubles psychiques. Au nom de la détection précoce, elle encourage employeurs, assurances, et même médecins et proches à la dénonciation. Les restrictions aux droits fondamentaux et autres sanctions ne sont bien entendu prévues que pour les salarié-e-s…
Le mécanisme de détection précoce est particulièrement inique. Un-e assuré-e absent de son travail pendant plusieurs semaines pourra voir son cas annoncé à l’Office AI sans son consentement et le secret médical levé sans son accord. Son médecin sera en effet tenu de communiquer les données médicales à l’Office AI. Ce dernier pourra ensuite demander à l’employeur une adaptation du poste de travail, afin que l’employé-e puisse garder son emploi sans que sa maladie ne dégénère et ne conduise à l’invalidité.
Le hic, c’est qu’il n’y a aucune protection contre le licenciement pendant cette période de détection précoce. Prenons l’exemple d’un employé absent depuis plus de 4 semaines pour un début de dépression. Le mécanisme de détection précoce se mettra en marche. L’Office AI demandera peut-être à l’employeur d’adapter le poste de travail sous la forme d’horaires plus réguliers, d’un cahier des charges allégé et de délais plus souples. Mais la 5ème révision n’est pas contraignante pour les employeurs. Le patron, soucieux de sa productivité, pourra alors très bien préférer licencier son employé dépressif et engager quelqu’un d’autre à sa place. La personne licenciée risque fort alors de sombrer dans une dépression grave pouvant conduire à l’invalidité psychique.
Mesures «raisonnablement exigibles»
Cette révision est particulièrement asymétrique: tout le poids de la réinsertion repose sur le dos des assuré-e-s, tandis que l’on ne mise que sur la bonne volonté des employeurs. Les assuré-e-s seront sanctionnés – financièrement entre autres – s’ils ne collaborent pas assez efficacement à leur réinsertion. Or, pour une personne en pleine dépression, ce n’est pas toujours facile d’entreprendre les mesures «raisonnablement exigibles» pour réduire la durée et l’étendue de l’incapacité de travail. Avec toute la bonne volonté du monde, même des mesures légères deviennent des montagnes: la personne sera sanctionnée, ce qui risque d’aggraver son état de santé.
D’autre part, la nouvelle loi permet aussi d’obliger un-e assuré-e à se soumettre à un traitement médical en vue du maintien de son emploi ou de sa réadaptation à la vie professionnelle. Ceci est très problématique: en effet, une des caractéristiques de la maladie psychique, en particulier de la psychose, c’est le déni. La personne concernée refuse parfois tout traitement parce qu’elle ne se considère pas comme malade. Avec la nouvelle loi, de telles personnes ne seraient donc plus couvertes par l’AI.
Climat de suspicion
Un autre point inquiète fortement les personnes souffrant de troubles psychiques. Le pouvoir d’évaluer la capacité de gain de l’assuré-e échappera au médecin traitant au profit des médecins des services médicaux régionaux (SMR) institués par les Offices AI. A supposer une parfaite indépendance des SMR, les médecins de ces services ne connaîtront jamais aussi bien les dossiers médicaux que le médecin traitant de l’assuré-e. Le risque de décision arbitraire est important, d’autant plus qu’il s’agit de psychiatrie et non de médecine somatique.
Même si elle vise avant tout les personnes ne bénéficiant pas encore des prestations de l’AI, les bénéficiaires de rente sont également concernés. Outre les mesures d’économie, ce sont surtout l’insécurité et le climat de suspicion qui affecteront les rentiers et rentières AI souffrant de troubles psychiques. La 5ème révision s’accompagne en effet d’un discours sur les abus et la simulation visant principalement les malades psychiques. L’UDC en a d’ailleurs récemment remis une couche, en annonçant qu’elle souhaitait rapidement une 6e révision encore plus restrictive! Les raisons ne manquent donc pas pour déposer un non dans l’urne le 17 juin.
Article à paraître sous une forme similaire dans Points forts, avril 2007.