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Stopper les néoconservateurs à la sauce helvétique

La révolution néo-conservatrice est en marche depuis l’élection de Blocher et Merz au Conseil fédéral. Bilan de quatres années de droite dure et propositions pour en sortir.

En décembre 2003, à l’issue d’élections fédérales marquées par une progression de l’UDC, la droite a rompu le cycle de la concordance. Le motif évoqué alors était d’adapter la «formule magique» à la nouvelle répartition des forces politiques au Parlement. Beau prétexte institutionnel, qui cachait la véritable intention – politique, elle – de la manœuvre: opérer en Suisse une révolution néoconservatrice. Ultralibérale dans le domaine économique, ultraconservatrice sur les valeurs et les questions sociétales. Isolationniste et ultrasécuritaire.

Depuis 2003, c’est bien cette politique que le Conseil fédéral à domination PRD-UDC tente de mettre en œuvre. Avec parfois un certain succès, que permet la majorité parlementaire bourgeoise, dont la composante la plus centriste s’accorde avec la droite purement néolibérale sur de nombreux dossiers, économiques notamment.

Un bref passage en revue des projets gouvernementaux marquants – réalisés ou avortés – des quatre dernières années permet d’illustrer cette politique, dont la cible permanente est l’Etat et son action. Au nom des principes de liberté et de responsabilité individuelles, poussés à leur extrême, l’objectif premier est de démanteler progressivement les prestations publiques. A ce titre, la révision à la baisse de l’assurance invalidité, marquée par une stigmatisation disproportionnée des abus, constitue le dernier exemple. Les tentatives constantes d’affaiblir l’AVS, que ce soit en proposant l’augmentation de l’âge légal d’entrée en retraite ou la réduction des prestations, participent du même objectif. Et comme il est plus difficile que pour l’AI d’y thématiser le thème des abus, on convoque le motif économiquement faux du vieillissement de la population ou celui, plus faux encore, des prétendues difficultés financières de l’assurance, contredites année après année lors de la publication des comptes largement excédentaires de l’AVS.

Boucs émissaires

L’autre facette de cet affaiblissement des solidarités prend la forme d’une dérive sécuritaire fondée sur la désignation d’un bouc émissaire: la population étrangère. L’adoption de lois sur l’asile et sur les étrangers iniques a traduit dans les faits l’entreprise – propre à l’UDC – d’infiltration dans la population d’un sentiment anti-étrangers proprement paranoïaque.

Le deuxième objectif de cette idéologie néoconservatrice est le retrait pur et simple de l’Etat du champ économique; par la libéralisation des marchés (poste, télécommunications, électricité…) et par une flexibilisation du marché du travail. La diminution de l’âge de protection des jeunes travailleurs, la brèche ouverte dans l’interdiction du travail du dimanche (commerces des gares) ou les tentatives répétées de rallonger encore et encore l’ouverture des commerces sont autant de régressions de la protection des travailleuses et des travailleurs.

Clé de voûte du projet néoconservateur: la fameuse stratégie «starve the beast» («affamer la bête») qui consiste à réduire les ressources financières de l’Etat pour justifier par la suite le démantèlement, «faute de moyen», des prestations publiques. Les programmes d’allégement budgétaire qui se sont succédés depuis 2004 sous l’impulsion d’Hans-Rudolf Merz sont les illustrations de cette austérité financière quasi pathologique. Sur l’autre versant, la droite taille dans les recettes de l’Etat par le biais de baisses fiscales, qui bien sûr ne profitent qu’à sa clientèle traditionnelle: hauts revenus et entreprises. Enfin, la tentative (provisoirement) avortée de privatiser totalement Swisscom démontre à quel point il est insupportable à cette droite que les bénéfices d’une entreprise florissante puisse tomber dans d’autres poches que celles d’actionnaires privés.

Quelle résistance opposer?

Face à ces offensives néoconservatrices, le Parti socialiste a été condamné à mener surtout un combat de résistance. Avec l’arme par excellence du résistant: le référendum. Et avec lui aussi de nombreux succès populaires: Avanti, 11e révision de l’AVS, paquet fiscal et autres. Mais il a su aussi briser positivement la dynamique néoconservatrice en pesant d’un poids déterminant dans des dossiers comme les allocations familiales, le partenariat enregistré, l’adhésion à Schengen ou, au côté des syndicats, les mesures d’accompagnement à l’extension de la libre circulation des personnes.

Un coup d’œil laisse présager que la prochaine législature sera du même tonneau si les rapports de force restent inchangés. Les radicaux Couchepin et Merz, à la tête de deux départements centraux, ne cachent qu’avec peine le contenu de leurs tiroirs: l’élévation de l’âge de la retraite et la baisse du taux de conversion dans le deuxième pilier pour le premier, un nouveau projet de privatisation de Swisscom et l’augmentation de TVA agrémentée d’une suppression partielle de l’impôt fédéral direct pour le second.

Face à ces perspectives, l’enjeu pour le Parti socialiste est clair: il doit impérativement progresser aux élections de cet automne, afin de renforcer la très faible majorité PS-Verts-PDC au Parlement, celle-là même qui avait mis son veto à la privatisation de Swisscom, adopté la taxe sur le CO2 et fait passer les allocations familiales fédérales. Afin ensuite de casser la majorité automatique PRD-UDC au Conseil fédéral par une redistribution des cartes gouvernementales en décembre.

Notre force de mobilisation sera déterminante. Si nous mobilisons notre camp de manière exceptionnelle, nous pouvons encore sortir vainqueur des élections. Parce que la Suisse ne mérite pas le laminoir néoconservateur, parce que les solidarités sociales doivent être défendues, menons une campagne de tous les instants jusqu’aux prochaines élections.

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