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Salaire minimum: comment comparer?

Mathieu Gasparini •

Les contorsions du Conseil d’État genevois autour de la mise en œuvre de l’initiative pour un salaire minimum cantonal nous incitent à republier cet article, paru en avril 2014, au moment où l’initiative populaire fédérale était mise au vote. Les débats sur cette question sont en effet tristement répétitifs.


L’initiative populaire fédérale sur les salaires minimums qui sera soumise à votation le 18 mai prochain propose l’introduction d’un salaire horaire minimum de 22 frs (soit 4’000 frs mensuels).

Au niveau suisse

Avant de tenter quelques comparaisons internationales, faisons le point au niveau suisse. En 2010, les statistiques de l’Office fédéral de la statistique (OFS) indiquent qu’environ 15% des salarié·e·s qui travaille à plein temps gagnent un salaire mensuel net de moins de 4’000 frs. Les femmes sont largement surreprésentées dans cette catégorie de bas salaires. Toutefois, sur l’ensemble des salarié·e·s, 9% gagnent moins de 22 frs par heure.

Autre élément intéressant, les disparités régionales sont importantes. Selon l’OFS, en 2010, le salaire mensuel brut médian au Tessin est ainsi de 5’076 frs. Pour le niveau de qualification le plus bas, il se situe juste sous la barre des 4’000 à 3’948 frs. Pour la région lémanique le salaire mensuel brut médian global est de 6’083 frs, tandis que le salaire brut médian le plus élevé se trouve dans l’agglomération zurichoise, où il se monte à 6’349 frs (moyenne Suisse à 5’979 frs). L’impact du salaire minimum sera vraisemblablement plus important au Tessin où un plus grand nombre de salarié·e·s devraient voir leur salaire augmenter.

L’exemple de l’hôtellerie

Les arguments mis en avant par hotelleriesuisse, la faîtière patronale des hôtelières-er-s, reflète cette peur d’un renforcement des droits des travailleuses·eurs dans les secteurs faiblement conventionnés. Ainsi hotelleriesuisse craint que l’introduction d’un salaire minimum renforce les syndicats interprofessionnels au détriment des syndicats «maison». Par rapport au partenariat social, il est indiqué que «nos salaires n’ont pas à être dictés par des acteurs étrangers à la branche» et que «la CCNT offre bien plus que des salaires minimaux». La mauvaise foi patronale est donc totale.

Comparaisons internationales

Si les votant·e·s acceptent l’initiative le 18 mai prochain, la Suisse ne sera pas le premier pays à connaître un système instaurant un salaire minimum. Au sein de l’UE, seuls sept pays, soit l’Italie, l’Allemagne, Chypre, l’Autriche, la Finlande, le Danemark et la Suède n’ont pas de salaire minimal légal national. Cependant les quatre derniers pays ont un taux de couverture conventionnel proche de 100%. Quant à l’Allemagne, Angela Merkel a annoncé cette mesure pour le 1er janvier 2015 avec un salaire fixé à 8,50 euros de l’heure (pour comparaison le Smic français est à 9,50 euros). Enfin, les États-Unis connaissent une telle mesure depuis 1938 et le New Deal. Le relèvement du salaire minimal est un des objectifs de Barack Obama, celui-ci voulant le faire passer de 7,25 à 9 dollars de l’heure.

Ces comparaisons ne sont pas évidentes. Les modalités, dispositifs et applications sont très différentes et rend les comparaisons parfois hasardeuses. Ce qui permet notamment aux milieux patronaux de clamer que 4’000 frs par mois serait excessif en comparaison internationale et que cette somme serait deux fois plus élevées qu’ailleurs en Europe. Comparer des valeurs absolues est un raccourci malhonnête. La comparaison la plus pertinente (car elle prend en compte les salaires dans un même système) est le pourcentage par rapport au salaire médian. Un salaire minimum de 22 frs de l’heure correspond à 61% du salaire médian suisse, ce qui placerait la Suisse dans la moyenne supérieure (France: 64%, Pays-Bas: 56%, Nouvelle-Zélande: 65%, USA: 44%). Rien d’excessif donc que de demander 4’000 frs par mois au minimum.

Cet article est paru dans Pages de gauche n° 132 (avril 2014).

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