En Suisse romande, les informations fiables sur les conséquences de la prostitution sont peu nombreuses. Il devrait être possible d’en savoir davantage.
Une réalité trop peu connue…
Malgré l’introduction de la nouvelle Loi sur l’exercice de la prostitution (LPROS) en automne 2004, la moitié des prostituées pratiquant dans le canton de Vaud sont dans l’illégalité. Par conséquent, il ne suffit pas d’attendre une évaluation, certes nécessaire, de la LPROS. Il s’agit de trouver des alternatives. En effet, il n’est pas acceptable d’autoriser que ces personnes travaillent sans droits alors que les implications générées sont trop souvent dramatiques ni, par ailleurs, de blanchir les répercussions directes ou indirectes sur de nombreux secteurs comme la santé publique, la sécurité, l’économie, la fiscalité ou l’immigration. Les impacts découlant de la prostitution étant encore trop largement méconnus, une étude scientifique du phénomène pourrait s’avérer adéquate afin d’en maîtriser les préjudices.
Contactée par Michel Venturelli, criminologue et coordinateur de l’association tessinoise CASI (Club associati svizzera Italia), j’ai été persuadée de la pertinence d’une étude scientifique basée sur une stratégie de réduction du préjudice dans le domaine de la prostitution. Alors que cette démarche avait déjà été acceptée par le législatif tessinois et que mon interlocuteur était en train de s’approcher de plusieurs cantons afin de convaincre des députées et des députés d’intervenir dans ce sens, je me suis alors rapprochée du terrain pour obtenir des informations complémentaires concernant le canton de Vaud.
En juin 2008, la Police cantonale recensait environ 600 personnes (de sexe féminin et, dans une moindre mesure, des travestis) dont 250 à 300 clandestines. A mon grand étonnement, la Police cantonale ne dénombrait aucun travailleur de sexe masculin, affirmation qui mériterait d’être creusée. La majeure partie des femmes qui exercent la prostitution en étant répertoriées et suivies ne seraient pas, en règle générale, soumises à des contraintes autres que celles de leurs collègues. Les nombreux cas rapportés laissent toutefois penser que des formes de contrainte moins visibles sont à l’œuvre. Par contre, les prostituées qui exercent dans l’illégalité sont particulièrement sujettes à la criminalité (vols, viols, exploitation, chantage, esclavagisme). En effet, dans la plupart des cas, les auteurs de ces crimes ne sont pas dénoncés, les victimes craignant à tort ou à raison une expulsion du territoire suisse.
…qui nécessite une étude approfondie
La moitié des prostituées travaillant illégalement dans notre canton, il est donc difficile de les protéger, d’agir à l’encontre du crime organisé de manière efficace et de prévenir les maladies sexuellement transmissibles. Les données en notre possession ne permettent toutefois pas d’évaluer ni le nombre de délits, ni dans quelle mesure l’augmentation des maladies sexuellement transmissibles est imputable au milieu de la prostitution. Aussi, il est indispensable d’étudier sérieusement le phénomène, qui se prête difficilement à des sondages fiables, afin de recueillir les informations nécessaires à l’élaboration d’une législation efficace. Par ailleurs, afin de limiter les craintes d’expulsion et de rendre possible un rapport de confiance entre les prostituées et l’équipe de scientifiques chargée de l’étude, il conviendrait d’octroyer aux travailleuses du sexe dans une situation illégale un «permis de travail temporaire».
Pour donner suite aux conclusions du criminologue Venturelli, j’ai donc déposé un postulat proposant la mise en œuvre d’un projet pilote qu’il s’agirait de coordonner au niveau suisse. Basé sur une étude scientifique et l’octroi de «permis de travail temporaires», ce projet pilote permettrait de recueillir des informations nécessaires, tenant compte du contexte et des ressources à disposition, afin de légiférer de manière adéquate en matière de prostitution. De nouvelles réponses aux préjudices dans le domaine de la prostitution pourraient être apportées. Le nombre de personnes pratiquant le métier «volontairement» sans être en règle avec la loi ainsi que les victimes forcées à exercer le métier sous la contrainte pourrait également largement diminuer.