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Quelles perspectives pour les mesures d’accompagnement?

Les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes font figure, à gauche, de pierre angulaire au centre du débat. C’est leur portée et leurs lacunes qui sont discutées aujourd’hui.

 Le cahier de mesures d’accompagnement est le résultat des négociations menées entre les syndicats, le patronat et la Confédération, visant à mettre sur pied une série de mesures censées amoindrir les risques de dumping social et salarial dus à la libre circulation des personnes. Mesures auxquelles les syndicats avaient clairement subordonné leur soutien aux Bilatérales.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la centralité des CCT au sein des mesures d’accompagnement. Elles sont certes, à ce jour, le seul outil garantissant de réelles avancées sociales par rapport au droit du travail helvétique, et réglementent de manière plus avantageuse les conditions de travail des salarié-e-s concernés (salaire minimum, durée de travail, vacances, retraite anticipée, etc.). Et par conséquent permettent de soumettre les employeurs à une certaine contrainte. C’est donc la protection voire l’amélioration et la généralisation de cet outil qui est au cœur des revendications syndicales.

Les CCT sont fragiles, et ne couvrent pas tout le monde

Comme déjà relaté dans ces colonnes (voir PdG n°58 ), le patronat a tendu, depuis une quinzaine d’années vers une politique d’affaiblissement croissant des CCT, les «vidant» de leur contenu (seul élément permettant d’évaluer la portée d’un contrat collectif). Cet élément de réflexion vise à démontrer que les CCT sont un outil fondamental pour les avancées sociales en Suisse, mais bien fragile face aux pressions patronales. Et si les négociations pour la conclusion de nouveaux accords collectifs, ou le renouvellement de ceux-ci sont toujours plus rudes, même les conventions existantes ne sont pas à l’abri des risques… L’exemple de la convention nationale du bâtiment, dénoncée par le patronat en 2007 est là pour nous le démontrer! Et enfin, si les CCT «couvrent» (de manière inégale selon les branches) 50% des salarié•e•s de ce pays, il en reste toujours un autre 50% ne bénéficiant d’aucune protection conventionnelle, et donc pratiquement démunis face aux stratégies patronales.

Des contrôles insuffisants, des abus nombreux

Les mesures d’accompagnement portent essentiellement sur trois points: la facilitation de l’extension du champ d’application d’une convention collective de travail (CCT), la possibilité d’introduire un contrat-type de travail spécifiant un salaire minimum dans les branches ou entreprises non soumises à CCT et la surveillance des entreprises employant du personnel détaché en Suisse. C’est surtout ce dernier point qui anime les débats actuellement.

En effet, le rapport du SECO de septembre 2007 à ce sujet est intéressant: les contrôles, dans les branches soumises à CCT, sont largement insuffisants d’une part, et d’autre part on constate que là où il y a des contrôles, il y a des abus! Dans la construction, régie par la plus importante CCT de Suisse, ce sont 22% des entreprises contrôlées qui sont en infraction. Et quel serait ce chiffre si on disposait de moyens de contrôles plus importants? Une prise de position de l’USS relative au rapport du SECO estime que dans l’hôtellerie-restauration (CCT nationale de force obligatoire), un établissement encourt un risque de contrôle tous les douze ans! De plus, les Cantons gèrent de manière inégale les abus constatés, certains recourant au simple avertissement plutôt qu’à l’amende, qui aussi ténue soit-elle, reste un moyen de dissuasion bien plus efficace.

Là où il n’y a pas de convention collective, et donc pas de «base légale» sur laquelle fonder une dénonciation, autant dire que l’impuissance des mesures d’accompagnement est manifeste. Et on parle, encore une fois, de la moitié des salarié•e•s de ce pays…

Sortez Bolkestein par la porte, il revient par la fenêtre

Parallèlement, les affaires Laval et Viking sont à inscrire dans ce cadre de fragilisation des CCT en Suisse, en ce sens que ces arrêts de la Cour européenne de Justice (voir PdG n°71) se résument à une attaque frontale contre les CCT. Ces mêmes CCT qui sont le seul pilier en matière de droit du travail en Suisse, et que les mesures d’accompagnement sont censées protéger. A la lumière des ces faits, comment envisager une soumission des entreprises détachant du personnel en Suisse aux droits conventionnels en vigueur, si Bruxelles légalise le dumping salarial? On aura bon dos d’avoir des CCT si on n’a pas le droit de les faire respecter… Certes, les arrêts ne concernent que les accords conventionnels qui ne sont pas étendus. Mais précisément, la procédure d’extension est complexe et longue. Preuve en est que sa facilitation figure également au rang des mesures d’accompagnement. Mesure qui connaît un succès modeste jusqu’à présent .

Que faire?

Face à ces lacunes, les syndicats ont exigé et obtenu un renforcement des moyens de contrôle, à savoir l’engagement d’inspecteurs supplémentaires, ainsi que le doublement du montant des amendes. Mais cela ne suffit pas pour crier victoire. La libre circulation des personnes se résume-t-elle à Surveiller et Punir? Traquer le dumping salarial est en effet une priorité. Mais devant les chiffres, et devant le constat que les CCT sont fragilisées, aussi bien par le patronat helvétique que par les autorités européennes, il est l’heure d’élargir le champs des mesures d’accompagnement, et de penser à de réels moyens d’enregistrement, de sauvegarde dans la loi des acquis plutôt que de «protection» face aux «dangers».
Parce que les CCT ne couvrent que la moitié des travailleur•se•s de ce pays, et parce que même les accords conventionnels existants tendent à s’affaiblir, les droits légaux de chaque salarié doivent être renforcés. Introduction d’un salaire minimum, création d’une véritable protection contre le licenciement, protection des délégué•e•s syndicaux/ales sur les lieux de travail, légalisation de la grève de solidarité internationale, mise à niveau «vers le haut» des prestations sociales, lutte contre les formes précaires d’emploi (temporaire, CDD, etc.). Autant de conditions multilatérales qui ne sont pas à considérer comme des substituts aux mesures d’accompagnement, mais précisément d’accompagnement à celles-ci. Des conditions visant à créer une base de droits communs à tous les salarié•e•s. Au niveau de ce pays comme de l’UE, et seules à même de garantir une véritable égalité entre travailleur•se•s.

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