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Que faire face à l’augmentation des grosses fortunes?

Face à la concentration des richesses en Suisse, quelles sont les propositions pour combattre cette évolution?  Un impôt fédéral sur les successions pourrait y contribuer.

Au cours des vingt dernières années, la fortune des plus riches de Suisse a pris l’ascenseur alors que l’économie suisse connaissait pourtant une faible croissance économique. Selon les statistiques de l’administration fédérale des contributions, le nombre de millionnaires en Suisse a plus que doublé entre 1991 et 2005, idem pour les fortunes de plus de 5 millions de francs.

Et, pourtant, les statistiques officielles de l’administration restent très imprécises et sous-estiment encore largement la fortune des personnes physiques (voir PdG, N° 52, janvier 2007 ). En effet, en se basant sur le classement des 300 plus grosses fortunes de Suisse, établi chaque année par le magazine Bilan depuis 1989, le montant et la progression des grosses fortunes sont encore beaucoup plus forts que ne le laissent supposer les chiffres de l’administration fiscale. En 2007, selon les estimations de Bilan, les 300 plus riches disposaient à eux seuls d’une fortune totale de 625 milliards, alors que les statistiques officielles indiquaient une fortune totale pour l’ensemble des 4 millions de contribuables de «seulement» 1150 milliards en 2005. En 2007, selon le World Wealth Report de Merill Lynch et Cap Gemini, la Suisse comptait un peu plus de 200 000 millionnaires en dollars (sans biens immobiliers), ce qui est beaucoup plus que les résultats des statistiques officielles suisses.

Ces quelques chiffres confirment l’analyse de Hans Kissling, ancien directeur de l’office statistique du canton de Zurich, dans un récent livre Richesse sans mérite. La féodalisation de la Suisse. Il n’hésite pas à parler d’une «féodalisation» pour qualifier l’évolution récente marquée par la très forte concentration de la fortune et son accélération depuis le début des années 1990. A partir des données fiscales du canton de Zurich (plus précises que celles de l’administration fédérale des contributions), il montre que la moyenne de la fortune des contribuables zurichois a progressé de manière modérée de 29 000 à 35 000 francs entre 1991 et 2003; dans le même temps, la fortune du pourcent le plus riche a augmenté de 70% (de 4 à 6,8 millions en moyenne). Pour les 10 personnes les plus riches, leur fortune a même triplé en 12 ans (+300%) pour atteindre 8,5 milliards en moyenne.

Pour un impôt sur les successions…

Sur la base du constat de la reproduction et de l’augmentation de la fortune des «super-riches», Hans Kissling préconise l’introduction d’un impôt fédéral de 50% sur les «grosses» successions (à partir de 1 million de francs). Sur la base d’une estimation de l’ensemble des successions qui auront lieu au cours des trente prochaines années (environ 1000 milliards), les recettes fiscales d’une telle mesure sont estimées par l’auteur à près de 10 milliards de francs par année. Il propose de consacrer ces recettes supplémentaires à des baisses d’impôts pour les moyens et bas revenus, mais elles pourraient aussi être affectées à d’autres tâches publiques. Bill Gates, une des plus grosses fortunes de la planète estimée à plus de 53 milliards de dollars, a annoncé que chacun de ses enfants ne toucherait «que» 10 millions de dollars à sa mort, ce qui leur permettra tout de même de mener une vie confortable. Il serait ainsi beaucoup moins généreux que la proposition de Kissling.

Les arguments en faveur d’un tel impôt sur les successions sont limpides : il s’agit d’une solution simple à mettre en œuvre, efficace et juste. Cependant, lorsqu’on voit la concurrence fiscale qui fait rage sur le plan international entre les Etats, mais aussi entre les cantons à l’intérieur de la Suisse pour attirer les grosses fortunes, l’introduction d’un impôt sur les successions risque de faire partir ces recettes fiscales sous d’autres cieux. Les chances politiques d’une telle proposition sont donc plus discutables, étant donné la grande mobilité des grosses fortunes. 

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