Initiative 99%: prendre aux riches pour donner aux pauvres

Yoann Péclard (membre de la JS Suisse) •

En 2018, le constat est le même que les années précédentes, les inégalités de fortune se creusent encore et la richesse se concentre dans un nombre toujours plus restreint de poches. Les 26 milliardaires les plus riches au monde possèdent autant que la moitié de l’humanité la plus pauvre, soit près de 4 milliards de personnes.


L’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos avec plus de 100 milliards de dollars de fortune, est patron d’Amazon, société des plus prospères ne payant pratiquement pas d’impôts.

Nous ne sommes en effet pas égaux face à l’impôt. Les différentes taxes, cotisations ou impôts fonctionnent sur des bases très diverses dont l’impact, en terme de redistribution, varie fortement. Il convient donc de s’intéresser à qui paye et sur quelles bases.

Différents types d’impôts

De manière générale, les impôts indirects sur la consommation sont parmi les moins sociales des formes d’imposition. Ils sont supportés par tous les individus sans aucune distinction, à taux identiques. C’est le cas de la TVA, due pour chaque achat et systématiquement refacturée à la clientèle finale, donc aux citoyen·ne·s, là où un impôt sur le bénéfice est supporté par les seul·e·s actionnaires. Il s’agit ici véritablement de faire supporter la charge fiscale au plus grand nombre, donc aux pauvres, plutôt que d’imposer la richesse.

À l’opposé on trouve les impôts directs progressifs, perçus selon la capacité financière de chacun et à fort pouvoir redistributif, pour autant que l’on impose à des taux conséquents les tranches de revenus les plus élevées.

Entre ces deux extrémités nous trouverons les cotisations sociales prélevées sur les salaires en échange de prestations sociales définies. Bien que perçues à taux fixes quel que soit le montant du salaire, certaines assurances permettent une redistribution via les prestations. C’est le cas de l’AVS grâce à ses prestations plafonnées, indépendamment du montant versé en cotisation.

Baisse de la redistribution

La concurrence fiscale liée à la mondialisation et la logique capitaliste de privatisation des richesses poussent à rendre nos systèmes fiscaux de moins en moins redistributifs. Depuis les années 70, les taux d’impositions des plus hautes tranches de revenus ont été réduits de 30 à 50% dans les principaux pays occidentaux. À l’époque, ces taux pouvaient dépasser les 90% dans certains pays, comme en Angleterre ou aux États-Unis. À cela s’ajoutent les baisses d’impôts et les niches fiscales créées pour les entreprises, la finance et les actionnaires.

Parallèlement, la charge sur les citoyen·ne·s pauvres a eu tendance à augmenter suite aux différentes hausses de taxes liées à la consommation. De plus, dans le domaine des assurances sociales, les prélèvements sur les salaires ont augmenté en même temps que les prestations baissaient. Là où les fortuné·e·s ont vu leur fortune se conforter grâce à la magie fiscale, les salarié·e·s ont payé plus pour recevoir moins. La France est aujourd’hui un bon exemple de cette évolution fiscale. En 2018 la TVA y représente 54% des recettes de l’État, plus que les impôts sur le revenu et sur les sociétés réunis, tandis que les niches fiscales pour riches se multiplient, à l’image de la récente transformation de l’ISF.

Les fortunes massives en augmentation ne sont que des boulets traînés par les populations du monde. Du fameux ruissellement promis avec les politiques de privatisation, nous n’avons pas vu la moindre goutte. Pour une entreprise ou un·e financière·ier dont le but est le profit, baisser les impôts n’a qu’un seul effet: plus de profit sans rien faire.

Il est donc urgent de modifier nos modèles fiscaux et de revenir à une progressivité élevée pour rétablir des services et une sécurité importante à la population et également se préparer aux défis futurs, notamment climatiques. Mais cela dépasse la simple réforme fiscale. Ce n’est, en effet, qu’avec un changement de modèle économique que nous pourrons liquider la concurrence qui permet l’évasion fiscale et mettre fin aux velléités d’accumulation de fortunes sans fin.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 171 (printemps 2019).

Crédits image: StellrWeb sur Unsplash.

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