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Pour ou contre la gratuité des transports publics?

Un peu partout en Suisse romande, les propositions pour réduire les nuisances du trafic motorisé et rendre les transports publics plus attractifs se multiplient. Débat contradictoire sur la gratuité des transports publics.

Gratuité et péage urbain

Alain Hubler, conseiller communal POP, Lausanne.

«Il est à présent évident que l’émission de gaz à effet de serre, associée à l’industrialisation et à la croissance économique, (…) provoque un réchauffement climatique à un rythme insoutenable». C’est ce que déclarait Tony Blair en commentant un rapport sur les risques de changement climatique dans The Independant du 30 janvier dernier!

En Suisse, et dans les pays industrialisés de manière générale, la délocalisation des industries polluantes dans les pays en voie de développement fait que c’est désormais le trafic motorisé qui constitue la principale source de pollution en milieu urbain. Les récents records de particules fines à Lausanne sont là pour l’illustrer. Si l’on désire protéger la population des villes, il faut donc limiter le trafic automobile qui, à cause de l’explosion du trafic et malgré les progrès techniques des moteurs, devient le premier responsable de la pollution de l’air. De toute manière l’approche du fameux «oil peak» et ses conséquences conduiront les automobilistes et les autorités à envisager des solutions permettant de se déplacer en roulant moins. Enfin, et ce n’est pas le moindre des maux, la voiture en ville est une source de nuisances multiples: bruit, accidents, surfaces colonisées donc confisquées aux habitants.

D’un autre côté, la vie «moderne» impose de plus en plus souvent une grande mobilité, c’est ainsi que l’on constate que les gens se déplacent de moins en moins à pied ou en transports publics et de plus en plus en voiture. Il est donc temps de renverser la vapeur et de prévoir une solution écologique et sociale «radicale» aux problèmes de mobilité urbaine. Pour les popistes «rouges-verts», une solution qui mérite d’être sérieusement étudiée est le financement de la gratuité des transports publics par un péage urbain. L’objectif du couplage péage urbain et transports publics gratuits est triple: diminuer drastiquement les nuisances et la pollution en ville par une baisse de trafic, offrir à l’automobiliste une alternative crédible et, finalement, couper l’herbe sous le pied de ceux qui rêvent déjà d’affecter les produits d’un éventuel péage urbain à une baisse des impôts, et ainsi de faire payer la route à ceux qui l’utilisent.

A ceux qui déclarent cette proposition irréalisable, irréaliste ou utopique, qu’ils y regardent à deux fois avant de juger: les Londoniens se déclarent à 70 % favorables au péage introduit en 2003, les habitants de Châteauroux (Fr) sont 20 % plus nombreux à utiliser les transports publics et leur fréquentation a augmenté de 76 % depuis qu’ils sont gratuits alors que la gratuité de ceux de Hasselt (Be) a permis d’accroître leur fréquentation de 800 % et que les commerçants sont ravis de voir leur chiffre d’affaires augmenter grâce à la tranquillisation de la ville.

On le voit bien, il est possible que le couplage de deux solutions, dogmatiques pour certains, destinées à faire reculer le trafic et la pollution urbains soit la solution pragmatique de demain.


Quelle théorie environnementale?

Par Yves Ferrari, député et président des Verts lausannois.

Faut-il rendre l’utilisation des transports publics (TP) gratuite à Lausanne, du moins en ce qui concerne les jeunes, comme le propose le PS lausannois?

Pour favoriser un report modal (transfert de la voiture aux TP), il faut rendre ceux-ci plus attractifs. Dans le cas présent, nous serions enclins à penser que la proposition socialiste part de l’idée que la gratuité engendrera un report modal important sur les TP, en raison d’une plus grande attractivité assurée par la baisse des tarifs. Or rien n’est moins sûr. Le postulat (économique) de la rationalité de l’acteur (j’achète là où c’est le moins cher) n’est plus utilisé par les économistes qui ont admis qu’il n’avait plus de valeur intrinsèque. La théorie micro-économique ci-dessus a pourtant été défendue (et l’est encore parfois) pendant des décennies par la droite politique.

Aujourd’hui, sans tenir compte du fait que le modèle de base a été amélioré, ce sont les socialistes qui reprennent à leur compte un argument économique caduc pour avancer un argument environnemental. En effet, selon ce raisonnement, la gratuité des TP pour les jeunes, les amènerait à opter pour un report modal. Mais celui-ci est loin d’être certain. Pour preuve, en faisant un parallèle entre la gratuité des TP et celle des piscines de quartier, il est certain que de nombreuses personnes (notamment les jeunes) continueront de payer une entrée pour fréquenter la grande piscine de Bellerive. Ce, en raison de l’offre, de sa qualité et de l’aspect social notamment. Le prix n’est donc qu’un des éléments à prendre en compte dans le choix de l’utilisateur. Il peut être un argument social (et c’est très important) mais pas nécessairement environnemental.

Il en va de même avec la gratuité des TP. Il n’y aura pas de report modal important si cette mesure n’est pas accompagnée de contraintes visant les automobilistes. Le prix n’est donc qu’un aspect, qui n’est pas suffisant. Sinon toutes les villes pratiqueraient la gratuité des TP. Rappelons que c’est déjà la cas dans certaines villes. Notamment à Châteauroux où la gratuité s’est traduite par une augmentation massive d’écoliers et par une diminution aussi importante des personnes âgées qui n’avaient dès lors plus de place dans les TP. Les incivilités ont également connu une hausse massive. Dans ce cas, c’est la restructuration du réseau qui a été décisive dans la hausse de la fréquentation.

De plus, le financement des TP par l’impôt (tel que proposé dans la motion socialiste) pose un problème aux Verts qui souhaitent appliquer le principe du pollueur-payeur. La proposition POPiste (péage urbain) est de ce point de vue nettement plus intéressante. Elle cumule par ailleurs un deuxième avantage: ce n’est qu’un postulat non-contraignant qui demande une étude de faisabilité. Les Verts ne sont donc pas, a priori, contre la gratuité, même si nous souhaitons davantage subventionner fortement les abonnements. Dans tous les cas, nous sommes favorables à une étude et au principe du pollueur-payeur.

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