Pour le climat, se tourner vers l’avenir

Mélanie Rufi •

Alors que la votation sur l’initiative pour l’avenir de la Jeunesse socialiste approche, deux chemins s’offrent à nous : remettre en question notre système économique et entamer des transformations structurelles, ou s’accrocher à des solutions vouées à l’échec.


L’agenda politique suisse, avec ses quatre dates de votations annuelles, est toujours bien rempli. Néanmoins, certains sujets se démarquent parfois. L’initiative pour l’avenir, lancée par la Jeunesse socialiste, a vite attiré la foudre des porte-paroles de la bourgeoisie. Cette année, alors que l’initiative ne passera en votation qu’en novembre, un vent de panique se soulève depuis l’été. En août, le président de la Fondation Genève Place Financière affirmait dans le Temps que la Jeunesse socialiste se rend coupable d’écoblanchiment en prétendant défendre l’environnement pour masquer son vrai objectif – détruire les entreprises familiales. La solution à la crise climatique serait selon lui tout autre : la place financière…évidemment.

La finance et la technologie au secours de l’écologie ?
Si l’on souhaite se demander qui fait de l’écoblanchiment, prenons le cas du secteur financier. D’après les estimations, la place financière suisse génère des émissions de gaz à effet de serre entre 14 et 18 fois supérieures aux émissions domestiques annuelles de la Suisse. Relativement à sa population, la Suisse a été la deuxième plus grande source de financement pour les entreprises d’énergie fossile entre 2016 et 2022. Pourtant, l’opinion publiée dans le Temps citait à titre d’exemple louable l’événement Building Bridges, prévu fin septembre à Genève et consacré à la finance durable. Parmi les nombreuses organisations participantes on peut notamment compter Nestlé, deuxième plus gros producteur de plastique au monde en 2023, Holcim, entreprise la plus polluante de Suisse, ou encore Dassault, car quelle industrie est plus bénéfique pour l’environnement que les avions de chasse ?. Avec un tel palmarès, les ponts construits entre finance et développement durable s’annoncent bancals.

Il n’y a bien sûr pas que la finance durable qui s’offre à nous comme solution. Début septembre 2025, la Suisse signait un accord avec le Danemark pour y stocker ses émissions de CO2, quelques mois après avoir signé un accord similaire avec la Norvège. Alors que le gouvernement prévoit des coupes budgétaires dans le domaine de l’environnement, il choisit d’aller enterrer ses problèmes à l’étranger. Cette stratégie, privilégiant des technologies largement critiquables et se détournant des enjeux fondamentaux de production, de consommation, et d’accroissement des inégalités, est caractéristique de la politique climatique qui domine depuis des décennies. Dans son article récent In tech we trust : A history of technophilia in the Intergovernmental Panel on Climate Change’s (IPCC) climate mitigation expertise, l’historien Jean-Baptiste Fressoz démontre comment l’attention portée aux solutions technologiques, notamment dans les rapports du GIEC, a découragé les changements structurels nécessaires à la protection du climat et ce faisant a contribué à rendre nos objectifs climatiques inatteignables.

Envisager une nouvelle réalité
Les conférences sur la finance durable ou les accords sur la capture de CO2 racontent la même histoire : celle d’un système économique désespéré de protéger le statu quo face à la crise qui s’amorce. C’est la fausse promesse que la course au profit pourra continuer à l’infini, et le vrai présage qu’elle continuera jusqu’à l’effondrement de la société telle que nous la connaissons. Le système capitaliste qui a engendré cette crise ne pourra pas nous en sortir, mais peut se parer de vert pour essayer de se maintenir.

Face aux solutions que nous vendent celles et ceux qui profitent de l’exploitation de l’environnement, nous devons choisir de concrétiser une vraie transformation sociétale à même de lutter contre la crise climatique. Une initiative seule ne peut atteindre cet objectif, mais elle peut y contribuer. Si l’initiative pour l’avenir suscite tant de réactions, c’est qu’elle permet de recadrer le débat public sur la composante systémique de la crise climatique, et avance une solution centrée sur la justice et la durabilité plutôt que sur la préservation jusqu’à la chute de notre réalité actuelle.

Illustrations: image de Vienne entre 1926 et 1935, Collection du Wien Museum

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