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L’UDC abuse de la neutralité

Pour l’UDC, la Suisse se résume au «Sonderfall», aux nains de jardins et à la neutralité. De ces trois éléments, le dernier est peut-être l’essentiel. En tout cas, la «nouvelle» UDC l’agite sans cesse depuis qu’elle occupe le devant de la scène politique suisse. Ceci n’est pas un hasard, car la supposée éternelle «neutralité» de la Suisse remplit essentiellement deux fonctions. Premièrement, elle permet de tout justifier, y compris les pires compromissions.

Deuxièmement, elle permet de tout critiquer, surtout en matière de politique étrangère (d’autant plus efficacement quand le ministre des affaires étrangères est – oh surprise! – une femme, socialiste, féministe et genevoise: quatre qualités nécessairement suspectes s’il s’agit de défendre la «vraie» Suisse, profonde, rurale, masculine et conservatrice ). C’est-à-dire dans le fond, que la neutralité telle que défendue par l’UDC, n’est autre chose qu’un mythe instrumentalisé à des fins politiques

Pour fonctionner, le mythe de la neutralité doit charrier avec lui l’idée d’une Suisse éternelle de paysans aux bras noueux qui depuis 1291 repoussent vaillamment les attaques du monde extérieur. Que chacun cultive son Grütli et les vaches à lait seront bien gardées! Autrement dit, le mythe a besoin d’une présentation de l’histoire qui serve sa cause en démontrant l’utilité (donc la nécessité) de l’alleingang neutralitaire.

Si depuis des siècles, la prétendue stricte non-intervention extérieure de la Suisse lui a apporté paix, prospérité, bonheur et Ovomaltine, c’est bien que, dans le fond, elle doit servir à quelque chose. Qu’importe alors que la Suisse n’ait pas toujours été neutre, prospère ou en paix. L’essentiel dans le mythe est sa fonction présente, pas la réalité de son rapport au passé.

Us et abus d’un mythe

Pour le présent donc, la neutralité est bien utile aux bourgeois qui mènent le pays. En gros, elle permet de justifier de faire commerce avec les bourreaux autant qu’avec les victimes (et c’est d’ailleurs un hasard si les bourreaux sont en général plus riches et font plus d’affaires…). Le mythe de la neutralité vise ainsi à permettre à nos entreprises d’exporter dans le monde entier (et à nos patrons d’engranger les bénéfices) sans aucune espèce d’entrave politique. Elle permet de s’allier économiquement à divers pays ou groupe de pays sans jamais s’engager politiquement (voir le cas de l’UE).

Mais le mythe de la neutralité a essentiellement une fonction intérieure, pour l’UDC. Elle vise à positionner le parti comme seul défenseur des valeurs «suisses» et les autres comme «mauvais patriotes». Ainsi quand Micheline Calmy-Rey se borne à rappeler les principes élémentaires du droit international, elle ne fait, bien sûr, que «brader la neutralité».

Le fait qu’il s’agisse d’un mythe est constamment démontré par les incessantes palinodies et contradictions auxquelles se livrent les udécistes les plus bruyants. Si la neutralité est une valeur aussi vitale, pourquoi le ministre UDC de la justice se permet-il de faire en Turquie des commentaires de complaisance critiquant une loi suisse qu’il a la charge de faire appliquer?

Bientôt dans la Constitution?

L’instrumentalisation efficace du mythe de la neutralité est une des clés du succès de l’UDC. Elle l’a d’ailleurs réussi en sous-traitant cette partie de son programme à une filiale qui fête cette années son vingtième anniversaire et ses presque 50 000 membres: l’ASIN (association pour une Suisse indépendante et neutre). Bien que formellement indépendante, l’essentiel de ses cadres sont issus de l’UDC, et son directeur n’est autre que Hans Fehr, le tonitruant conseiller national UDC zürichois. Quoiqu’il en soit, on ne change pas une formule qui gagne! L’UDC nous remet donc une nouvelle couche de neutralité, sous la forme d’une initiative populaire qu’elle devrait lancer en 2007. Histoire d’ancrer dans la Constitution helvétique un mythe de plus. On se réjouit.

 

 

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