Une législature fédérale pas comme les autres prend fin. En décembre 2003, l’élection de Christoph Blocher et de Hans-Rudolf Merz mettait un terme à la fameuse «formule magique» instaurée en 1959 (2 PRD, 2 PDC, 2 PSS et 1 UDC). Avec la désignation de deux représentants issus des milieux patronaux, décembre 2003 marquait également un clair glissement à droite du Conseil fédéral, inaugurant ainsi la formation d’une nouvelle majorité radicale-UDC au Conseil fédéral. Car ce sont bien les députés radicaux et UDC (et quelques défections chez les PDC) qui ont permis, à quelques voix d’écart, l’élection de Blocher au détriment de la candidate PDC, Ruth Metzler. Ce glissement à droite avait à l’époque suscité des débats au sein du PSS sur la poursuite de sa participation au Conseil fédéral. Quatre ans plus tard, il vaut la peine de dresser un bilan de ce nouveau gouvernement, aussi bien sur le fond des réformes impulsées que sur son fonctionnement, et des perspectives pour l’avenir à la veille des élections fédérales.
Des réformes unilatérales
Après les échecs retentissants du nouveau Conseil fédéral au printemps 2004 sur le «paquet fiscal» et sur la 11e révision de l’AVS, combattus victorieusement par la gauche en référendum, toutes les propositions émanant du Conseil fédéral dans les domaines sociaux ou financiers étaient des réformes unilatérales. Elles allaient toutes dans le sens d’un allégement de la fiscalité pour les mieux lotis de la société (fiscalité des actionnaires, flat tax, …), d’un reserrement des conditions d’octroi des aides sociales pour les plus démunis (assurance-invalidité, assurance-chômage) ou de reports de charges de la Confédération sur les cantons pour faire maigrir l’Etat.
Par ailleurs, le PRD et le PDC se sont largement ralliés aux thèmes de prédilection de l’UDC en durcissant les lois sur l’asile et les étrangers. C’est d’ailleurs sur ce terrain des «abus» dans tous les domaines (asile, assurance-invalidité, aide sociale, étrangers) que l’UDC et son chef de file au Conseil fédéral font campagne, comme s’ils étaient toujours un parti d’opposition.
Leader de parti au gouvernement
Sur la forme également, la législature qui s’achève marque un changement important. Avec l’élection du leader de l’UDC au gouvernement, on a assisté à une très nette détérioration des pratiques politiques, où la fonction de ministre est instrumentalisée à de pures fins partisanes. C’est le règne du chacun pour soi, où chacun essaie de tirer la couverture à lui, sans aucune dynamique collective, ni concordance au sein du «collège gouvernemental». C’est le succès des ruptures de collégialité plus ou moins ouvertes, des «petites phrases» (remise en cause de la norme anti-raciste, l’administration fédérale ressemble à un «atelier protégé»,…) et des fuites dans les médias (privatisation de Swisscom). Ces comportements discréditent les institutions démocratiques. Pascal Couchepin lui-même n’a pas hésité à qualifier son «collègue» Blocher de «danger pour la démocratie». Dans ce contexte, les représentants de la gauche au Conseil fédéral ont de plus en plus de peine à faire passer leurs propositions, même édulcorées.
L’enjeu des élections
L’enjeu central des prochaines élections réside dans la reconduction ou non de la majorité radicale-UDC au Conseil fédéral. Cela dépendra des résultats des élections et de l’audace du PDC pour revendiquer un deuxième siège au gouvernement. Rappelons qu’il y a quatre ans, il s’en est fallu de quelques voix, notamment de quelques défections du PDC, pour que Blocher soit élu. Y aura-t-il une majorité progressiste composée du PSS, des Verts et du PDC pour modifier les rapports de pouvoir au Conseil fédéral?
L’alternative sera la poursuite de la majorité radicale-UDC, avec des contre-réformes en matière économique et sociale qui ne feront que s’accentuer après les élections. Dans ce cas, quelle sera la position du PSS?