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Les années Blair ont pesé sur le syndicalisme

La situation des syndicats au Royaume-Uni ne s’est pas améliorée avec l’arrivée du New Labour au pouvoir en 1996. Toutefois d’autres formes de mobilisations syndicales et d’actions se développent afin de lutter contre les inégalités grandissantes.

En mars 2007, deux des plus grands syndicats du Royaume-Uni (Amicus et T&G) fusionnaient pour donner naissance à un super-syndicat de plus de 2 millions de membres, Unite, rassemblant près du tiers des syndiqué-e-s du pays. Cette fusion traduit-elle un signe de vitalité du mouvement syndical ou au contraire une vaine tentative de résister à l’érosion des membres?

De l’extrême brutalité de la période Thatcher (1979-1990), durant laquelle les syndicats et les droits des travailleurs-euses ont été sacrifiés sur l’autel du libéralisme, aux années Blair (1997-2007) durant lesquelles l’héritage conservateur n’a guère été renié, le rapport de force entre travail et capital s’est clairement installé en faveur de ce dernier. La déqualification du travail, la hausse des inégalités liées au revenu, à la santé et au logement n’en sont que la dramatique conséquence.

Une lente désyndicalisation

D’après des récentes données du Ministère du commerce et de l’industrie britannique, le taux de syndicalisation s’établissait à 28,4% en 2006 (environ 7 millions d’affiliés). Même si le taux de syndicalisation s’est stabilisé depuis 2001, il était encore pour comparaison de 39% en 1989. Sans surprise, la présence syndicale est plus importante dans le secteur public (58,8%) que dans le secteur privé (16,6%). La distribution des affilié-e-s selon les caractéristiques de genre est intéressante: les femmes sont en moyenne désormais plus syndiquées que les hommes (29% contre 26% en 2006) et constituent 51,8% du total des affilié-e-s. Le taux de syndicalisation des femmes est resté stable depuis 1995 alors qu’il est en chute continue pour les hommes (d’environ 10 points): cette différence traduit une insertion différente dans le marché du travail (forte présence féminine dans la fonction publique et surreprésentation masculine dans les emplois qualifiés). Enfin, d’importantes variations nationales et régionales sont constatées; le taux de syndicalisation est de presque 40% en Irlande du Nord, d’environ 35% en Écosse et au Pays de Galles, et autour des 25% en Angleterre.

Le mouvement syndical britannique est intimement lié au parti travailliste, puisque la Confédération des syndicats britanniques (TUC) était à l’origine de la création du parti à la fin du XIXe siècle. En plus d’en être membres, les syndicats ont en longtemps été les plus importants bailleurs de fonds. A une influence idéologique se rajoutait une influence financière. La part de financement du Labour par les syndicats reste conséquente. Elle est estimée actuellement à un peu plus de 30% contre près de 90% dans les années 1970. S’il est possible d’analyser cette perte d’influence sur une plus longue durée (lors du Winter of Discontent, la grande mobilisation syndicale de 1978-1979, le gouvernement était travailliste), il est indéniable que l’affirmation du New Labour et l’arrivée au pouvoir de Tony Blair n’a guère favorisé une re-mobilisation syndicale.

La faiblesse organisée de la négociation collective

Au plan législatif, l’action la plus «engagée» du New Labour a été de renforcer la reconnaissance des syndicats dans les entreprises de plus de 21 employé-e-s. Cela souligne une des particularités du système britannique qui est la faiblesse du dialogue social. Ainsi la négociation collective est peu développée. Seulement un tiers des salarié-e-s est concerné par cette pratique (19,6% pour le secteur privé et 69% pour le secteur public en 2006). Ces différents taux sont en baisse depuis 1996. De plus, lorsqu’elle existe, la négociation est très décentralisée et se limite souvent au niveau des entreprises, ce qui a pour effet concret de réduire le pouvoir de négociation des salarié-e-s. Enfin, il n’existe pas de système centralisé d’enregistrement des conventions collectives, ce qui limite les possibilités de comparaison, de mobilisations croisées et d’action collective.

En réaction aux politiques néolibérales du New Labour, certains syndicats osent se distancier du Labour et «peser» autrement. C’est le cas du syndicat RMT (Rail, Maritime and Transport Workers, 75’000 membres), expulsé du Labour en 2004 pour avoir autorisé ses sections locales à s’affilier, le cas échéant, à d’autres partis. Son action revendicative s’est notamment manifestée dans le conflit et les grèves de mi-2007 du métro londonien, suite au retrait soudain et financièrement catastrophique (à la charge du «public») d’un consortium de multinationales (Metronet) d’un partenariat public-privé pour la gestion d’une partie du Tube. S’il demeure un syndicat relativement petit, il est celui qui, depuis quelques années, enregistre la plus grande progression de ses membres. Ainsi, le RMT représente une autre manière de concevoir l’activité syndicale qui semble être porteuse de plus de potentialité pour les travailleurs-euses que la simple fusion de leurs appareils syndicaux.

 

 

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