La question du financement de la vie politique, et des partis politiques en particulier, est un vieux «serpent de mer» de la politique suisse, qui a fait l’objet de propositions parlementaires de manière répétée depuis les années 1960. Pourtant, aucune mesure concrète n’a été adoptée par le Parlement. Cette question n’a fait que rejaillir avec plus d’acuité au cours de la dernière campagne pour les élections fédérales, où la disproportion des moyens engagés était absolument flagrante.
Les institutions démocratiques suisses, avec la démocratie directe (initiative populaire et référendum) permettent l’expression très large des demandes populaires. Cependant, s’il existe un «trou noir» dans les institutions politiques suisses, c’est bien la question du financement de la vie politique, que ce soit des partis ou des campagnes de votation, pour lequel il règne une absence totale de règles au niveau fédéral et cantonal. Dans ce domaine, c’est l’opacité complète et cela s’explique très simplement: l’opposition constante des partis bourgeois à toute mesure visant à introduire une plus grande transparence et des mesures de soutien public aux partis, comme cela se pratique dans la totalité des pays européens.
Un vieux débat
«Si l’on veut que le citoyen exprime sa volonté sans qu’elle soit tronquée, il faut alors lui donner la possibilité de mesurer le potentiel d’influence politique des gros bailleurs de fonds, et les imbrications financières et les situations de dépendance possibles des partis à l’occasion des élections et votations.». C’est ainsi que s’exprimait, non pas le parti socialiste ou autres gauchistes, mais le Conseil fédéral dans son rapport sur l’aide aux partis politiques de 1988 (Feuille fédérale 1989, vol. I: p. 156), faisant suite à de très nombreuses interventions parlementaires provenant essentiellement de la gauche. Il reconnaissait ainsi dans ce rapport le problème de la «pauvreté» des partis politiques en Suisse, notamment par rapport aux puissantes associations économiques, bien dotées financièrement. Cette faiblesse des partis est encore accentuée par le système de milice du Parlement, où les députés sont souvent dépendants de certains groupes d’intérêt.
Pourtant, depuis lors rien n’a changé ou quasiment rien (reconnaissance constitutionnelle des partis politiques dans la nouvelle Constitution de 1998 et amélioration des indemnités pour les parlementaires). Durant les années 1990, les partis bourgeois se sont constamment opposés aux mesures visant une plus grande transparence du financement des partis ou un soutien public. L’opacité des sources de financements des partis politiques, mais aussi plus largement de la vie politique, notamment lors des campagnes référendaires, reste totale.
Même si la complexité des institutions politiques suisses (le fédéralisme avec ses différents niveaux d’exercice de la démocratie et l’existence de la démocratie directe) rend la législation difficile dans ce domaine, l’élément déterminant réside dans l’absence de volonté politique de légiférer sur ces questions.
Urgent d’agir…
Il est évident que l’issue d’une votation ou le succès aux élections ne se réduit pas à l’ampleur des moyens financiers engagés. Cependant, affirmer qu’ils n’ont pas d’impact sur la formation de la volonté politique parmi les citoyens est un clair mensonge, sinon comment expliquer les montants considérables qui sont consacrés à la propagande politique par certains milieux économiques ou par l’UDC?
Les mesures envisageables pour combler ce «trou noir» de la démocratie suisse sont nombreuses. Parmi les principales, on peut mentionner: transparence des sources de financement des partis, plafonnement des dépenses ou soutien public accru aux partis. De telles mesures permettraient de garantir une plus grande transparence, de réduire les inégalités entre les différentes forces politiques et d’éviter les excès lors de la dernière campagne électorale.