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Le syndicalisme en Chine dans son contexte mondial

En République populaire de Chine (RPC) une seule organisation syndicale est autorisée: la Fédération des syndicats de Chine (FSC, en anglais: All-China Federation of Trade Unions, ACFTU). Quel rôle joue-t-elle au «pays des travailleurs»?

En République populaire de Chine (RPC) une seule organisation syndicale est autorisée: la Fédération des syndicats de Chine (FSC, en anglais: All-China Federation of Trade Unions, ACFTU). Fondée en 1925 à Canton sous la direction du Parti communiste chinois (PCC), la FSC était réduite à l’illégalité en 1927 sous la dictature du Kuomintang. Re-fondée après la conquête militaire de l’Etat par le PCC en 1949, elle était alors constituée sur le modèle soviétique: un rouage de l’Etat contrôlé par le Parti unique. Dissoute pendant la «révolution culturelle» (1966-1976), elle fut rétablie en 1978.

La FSC n’a pas d’affiliation internationale. A son origine membre fondateur de la Fédération syndicale mondiale (communiste), elle la quitta après la rupture entre la Chine et l’URSS en 1964. La FSC renonça à créer une organisation internationale de son obédience, mais cultive des relations bilatérales avec quelque 400 organisations en 130 pays.

La situation actuelle

En 2006, la FSC déclarait 150 millions de membres. Elle est cependant loin de représenter, même formellement, la majorité des 730 millions de salariés, auxquels il faut ajouter plus de 120 millions de travailleurs migrants, dont moins de 14% seraient syndiqués, et les migrants potentiels que sont les 150 millions de ruraux en état de sureffectif dans l’agriculture.

Comme dans tous les pays où une dictature communiste avait instauré un système de collectivisme bureaucratique, le rôle des syndicats dans les entreprises est d’encadrer les travailleurs pour assurer la discipline de travail et accroître la production, tout en administrant divers services sociaux. Au niveau politique, les syndicats agissent comme une «courroie de transmission» du PCC, y compris dans des tâches de surveillance et de délation, avec la responsabilité de dénoncer toute tentative de créer des syndicats ou des mouvements politiques indépendants dans les entreprises.

Une résistance ouvrière a toujours existé, mais elle a pris une nouvelle dimension à partir des années 1980 avec le retour au capitalisme, déguisé en «socialisme de marché», qui a fait perdre aux travailleurs la sécurité de l’emploi, aggravé les conditions de travail, réduit le pouvoir d’achat et affaibli la protection sociale.

Selon des sources officielles, il y avait 87’000 incidents «d’atteintes à l’ordre public» (manifestations, émeutes, grèves) en 2005 – certainement une sous-estimation. Toujours selon des sources officielles, il y aurait 260’000 détenus dans des camps de travail, dont 60% pour avoir «menacé l’ordre public».

L’entrée massive d’investissements étrangers a transformé la Chine en «usine du monde». Quelque 465’000 entreprises étrangères ou avec participation étrangère se sont installées en Chine, surtout dans les zones côtières; en vingt ans, elles ont investi plus de 450 milliards de dollars. Au début des années 1990, leur production représentait 15% des exportations, en 2000 déjà 48%, et plus de 80% des exportations de produits de technologie avancée. En 2002, la Chine est devenue la première destination pour les investissements directs à l’étranger, devant les Etats-Unis.

Quelle représentation syndicale?

Les entreprises étrangères ont aussi créé des friches syndicales: la grande majorité des travailleurs de ces entreprises ne sont pas syndiqués. Le danger de cette situation n’a pas échappé au gouvernement qui, l’année dernière, a lancé une campagne de syndicalisation des entreprises étrangères, à commencer par la chaîne américaine Wal-Mart, qui s’est vu imposer une représentation syndicale alors qu’elle n’en accepte pas aux Etats-Unis. La société taiwanaise Foxconn, après des années de résistance, a également dû accepter un syndicat. D’autres suivront. Les chaînes de restauration rapide, Dell et Eastman Kodak sont dans la ligne de mire.

Chez Wal-Mart, pour la première fois, le syndicat officiel s’est implanté dans une entreprise «par en bas», en mobilisant les salariés, au lieu de conclure un accord avec la direction «par en haut». Pour la première fois aussi, les responsables syndicaux déclaraient que la création du syndicat répondait au souci de défendre les intérêts des salariés et non plus de garantir la «stabilité sociale».

En 2006, le gouvernement faisait également adopter une nouvelle loi sur le travail, un ensemble modeste de normes de travail élémentaires, mais qui a aussitôt provoqué une réaction violente des entreprises étrangères, surtout américaines et européennes.

Peut-on voir dans ces événements l’amorce d’une transformation du syndicalisme officiel ou plutôt le souci de l’Etat de s’assurer une présence dans les entreprises privées, y compris étrangères? Chez Wal-Mart, en tout cas, la création de sections syndicales a été accompagnée de la création d’organisations d’entreprise du PCC, ce qui fait douter d’un renouveau du syndicalisme.

Quelles stratégies?

Dans le mouvement syndical international, le débat sur le syndicalisme chinois se poursuit. Il est généralement reconnu que la FSC n’est pas une organisation indépendante et qu’elle est contrôlée par l’Etat. A partir de là, les appréciations divergent: faut-il maintenir des échanges dans l’espoir de la faire évoluer? Faut-il, au contraire, refuser tout contact, et miser sur une crise du régime qui ouvrirait la voie à un syndicalisme démocratique? Faut-il à la fois maintenir un dialogue avec la FSC et soutenir les organisations qui luttent pour un syndicalisme indépendant et démocratique?

La Confédération syndicale internationale (CSI) ne reconnaît pas la FSC comme une représentation authentique des travailleurs chinois, mais prend acte de ces divergences. Elle demande à ses affiliés et aux fédérations syndicales internationales qui «ont des contacts avec les autorités chinoises, y compris la FSC» d’engager un «dialogue critique», c’est-à-dire d’aborder la question des droits syndicaux et notamment le cas des militants emprisonnés pour avoir défendu ces droits.

C’est une discussion qui rappelle celle qui concernait les relations avec les organisations syndicales officielles de l’URSS et des autres pays du bloc soviétique. Dans ce cas, l’histoire a tranché: c’est la résistance ouvrière qui a conduit à la transformation du mouvement syndical, et d’ailleurs à la chute du régime. Le dialogue, même critique, n’y était pour rien.

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