J’ai eu la chance de participer, il y a quelques semaines, au Forum Social Mondial (FSM) de Nairobi, septième du genre mais premier sur terre africaine, dans le cadre de la délégation suisse mise sur pied sous l’égide de la Communauté suisse de travail des œuvres d’entraide et d’E-changer.
Les quelques 35 journalistes, syndicalistes, collaboratrices/-teurs d’ONG et parlementaires membres de cette délégation ont ainsi eu la possibilité non seulement de participer au FSM proprement dit mais aussi, à travers des tables rondes et des visites de projets soutenus par les œuvres d’entraide suisses, de mieux connaître le Kenya et toute l’Afrique de l’Est et d’apprécier l’impact des actions de coopération au développement menées par des ONG suisses.
Bilan positif
Le bilan personnel que je tire de ce voyage est tout à fait positif. En premier lieu, j’ai trouvé beaucoup d’intérêt aux échanges avec les autres membres de la délégation que je n’ai souvent pas l’occasion de voir. La visite commune de projets soutenus par les œuvres d’entraide suisses, les discussions autour de l’actualité politique kenyane, les discussions formelles ou informelles permettent aux un-e-s et aux autres de reconnaître leur intérêt commun pour ces questions, d’enrichir leurs connaissances et de leur donner des impulsions nouvelles pour leurs diverses activités. Rien ne remplace l’expérience personnelle qui vaut toutes les lectures et toutes les conférences. Je reviens du Kenya avec ces enfants qui marchent des heures pour aller à l’école, avec ces femmes qui passent leurs journées à la recherche d’eau et de bois, avec ces habitant-e-s des bidonvilles et je sais, profondément, qu’il y a urgence et qu’un autre monde est nécessaire!
Je reviens aussi de Nairobi enrichie de pistes de réflexion et d’action grâce à la participation au forum proprement dit, bien sûr. J’ai mis l’accent cette année sur les activités organisées autour du lancement de la campagne «Travail décent pour une vie décente» (notamment dans le cadre du prochain championnat mondial de football qui aura lieu en Afrique du Sud, en 2010) et sur des rencontres consacrées à l’éducation, à la lutte contre le VIH/SIDA et au combat contre les mutilations génitales féminines (FGM). En entendant les témoignages des personnes qui s’engagent pour une éducation de qualité, en écoutant ces religieuses kenyanes qui luttent pour la disparition des mutilations génitales féminines, oser briser les tabous et parler notamment des effets négatifs de l’excision sur le plaisir sexuel des femmes, je suis persuadée qu’un autre monde est possible! Et pour cette conviction-là, pour la force qu’elle procure, je conseille à toutes les personnes actives dans les mouvements sociaux de par le monde, à toutes celles et ceux qui sont intéressés par les questions de développement et de relations nord-sud, par l’avenir de notre planète et de l’humanité, de faire une fois le voyage vers le FSM.
Quelques questions
Bien sûr, autour de l’organisation de tels forums ne manquent ni les questions ni les paradoxes. Le FSM ne tient-il pas de la foire, de la grande manifestation du genre Paléo Festival? Sans doute, parfois, mais ce n’est de loin pas le principal. Est-ce défendable qu’une grande entreprise de téléphonie mobile sponsorise le FSM? Sans doute, si c’est le seul moyen de mettre sur pied une manifestation d’une telle ampleur. Est-ce cohérent de se rendre à des milliers de kilomètres – avec la pollution qui en découle – pour se trouver conforté dans son identité de blanc=riche par les yeux des autochtones qui, pour la plupart, n’ont pas même les moyens de vivre? Oui, malgré tout, car il faut bien se fréquenter pour faire connaissance et dépasser les clichés, de part et d’autre. Ce qui est sûr c’est qu’on n’a encore rien trouvé de mieux pour développer une altermondialisation essentielle à notre futur. Ce qui est sûr aussi, c’est que les Africaines et les Africains ont su relever le double défi qui consistait à organiser, dans des conditions extrêmement difficiles, un FSM sur leur continent et à y participer en nombre, venant de tous les pays anglophones comme francophones, et en faisant de ce 7e FSM le premier vrai forum mondial. Un autre monde existe déjà un peu. Là-bas et ici, si nous nous y engageons au quotidien.