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La politique à l’ère d’Internet en Suisse

Quand, dans la deuxième partie des années ’90, Internet apparaît, il est porté par l’idée qu’il revitalisera le débat public, en augmentant le stock d’informations disponibles aux citoyens et en offrant des possibilités nouvelles aux internautes pour débattre, opiner et voter. Cette technologie est alors présentée par ses zélateurs comme le vecteur de modernisation d’une société à la fois libérée des passions politiques et confuse par son apathie démocratique.

Les clés du succès

Au regard des médias classiques que sont les presses écrite, radiophonique et audiovisuelle, les propriétés techniques d’Internet fondent sa particularité: Internet consent l’interactivité; les coûts pour capter, conserver et transférer des données sont relativement bas; sa construction en réseaux permet d’accéder au contenu d’un site par plusieurs canaux, ce qui rend difficile son contrôle. La rencontre de ces caractéristiques techniques et de la révolution comportementale en cours (le processus d’individualisation) explique l’essor du Web. Aujourd’hui, Internet, consiste en du multimédia et de la discussion.

Internet et politique: histoire d’une rencontre

Bien qu’elle ait été, dès ses balbutiements au centre de l’attention des gouvernants, la Toile investit le champ politique par la politique non-gouvernementale. Dès 1995, l’EZLN saisit l’intérêt d’internationaliser le conflit qui l’oppose au gouvernement mexicain en diffusant des informations et des appels à l’opinion sur Internet. La guérilla informationnelle conduit plusieurs collectifs zapatistes et réformistes à mobiliser le Web pour profiler leurs luttes et se mettre en réseau au sein du mouvement anti-mondialisation. Les sphères publiques électroniques qu’ils ont conçoivent (voir indymedia.org) donnent corps à des mouvements mis en réseaux par les hyperliens et renouvellent les pratiques militantes.

Ce n’est qu’à partir des années 2000 que la politique gouvernementale investit le Web en Suisse. Celle-ci prend acte du développement de l’économie en réseaux et de la migration des entreprises de presse sur la Toile et des initiatives du type smartvote.ch. Au gré de leurs ressources, les partis usent d’Internet pour diffuser des informations et organiser la vie militante.

Un renouveau de la communication politique?

A l’instar du support écrit, cette nouvelle technologie tend à composer l’unité de discours partisan et sa mise en action. Affranchis des pesanteurs partisanes, les sites et blogs des hommes et femmes politiques admettent des espaces questions-réponses, exposent leurs intimités et identités socioculturelles. La présente campagne pour les élections fédérales 2007 semble avoir donné des ailes aux partis. S’ils restent en retrait des usages qu’en font les entrepreneurs politiques états-uniens ou même français (1), les partis ont compris qu’ils risquaient de donner l’impression aux électeurs d’avoir un train de retard sur leurs adversaires, s’ils ne s’appropriaient pas pleinement les possibilités qu’offre nouvellement la Toile (Web 2.0). Depuis peu, ils s’efforcent à les «multimédiatiser» en utilisant le podcasting. Aussi, la «netcampagne» qu’on annonce pour ces élections attestera de l’engagement des acteurs politiques suisses vis-à-vis d’Internet. Celui-ci jouera-t-il un rôle purement instrumental d’expression pour les partis et candidats ou induira-t-il une transformation des règles du jeu, c’est-à-dire des méthodes, des objectifs et ses acteurs politiques eux-mêmes, comme l’a fait la télévision? Pareillement à la télévision, les effets d’Internet sur la politique seront lents et il est difficile de statuer sur l’évolution de ce rapport. On retiendra l’information précieuse tirée d’un des premiers travaux conséquent sur les rapports Internet-démocratie (2) . La galaxie Internet est majoritairement occupée de sites où les internautes argumentent avec des interlocuteurs ayant la même opinion qu’eux – contrairement à la télévision qui propose des débats contradictoires, lesquels permettent aux citoyens de se confronter avec toutes les opinions.

(1) Voir www.hillaryclinton.com, voire www.discosarko.com

(2) Azi Lev-On et Bernard Manin, Internet: la main invisible de la délibération?, Revue Esprit, mai 2006.

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