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Impôt sur les successions: reprendre la main!

Aujourd’hui en Suisse, l’imposition sur les successions tend à se réduire comme peau de chagrin dans les quelques cantons qui la pratiquent encore. Il est temps que la gauche se fasse entendre sur ce sujet.

La Suisse ne connaît pas d’impôt fédéral sur les successions. C’est au niveau cantonal qu’il existe encore de maigres impôts de ce type, mais ils tendent à disparaître. En 1990, 19 cantons connaissaient ce type d’impôt. Aujourd’hui, un seul impose encore les successions entre conjoints et six seulement les héritages en ligne directe (enfants et petits enfants). De plus, les taux sont très bas (voir tableau ci-dessous): entre époux: 0%, succession en ligne directe: 1-4%, et entre personnes non-parentes: 0% à 54,6%. En comparaison, la France taxe de manière progressive la succession entre époux (5%-40%), en ligne directe (5-40%) et entre personnes non-parentes (60%). Néanmoins, le nouveau président Sarkozy propose de réduire drastiquement cet impôt.

Qui est contre l’égalité des chances?

En dépit (ou peut-être à cause) de la quasi-inexistence désormais en Suisse d’impôts sur les successions, le porte-voix de la bourgeoisie libérale zurichoise, la NZZ (du 14.4), se lamente sur ces «impôts sur la mort» et récuse jusqu’aux justifications libérales traditionnelles en faveur de cet impôt.

Les libéraux classiques (du type de John Stuart Mill au XIXe siècle) pensaient que la société devaient récompenser le mérite individuel. En conséquence ils s’opposaient à ce que des fortunes puissent être transmises au sein de la famille. D’après eux, cela a pour effet de créer une classe de rentier dont le seul mérite est d’être «bien né» et tue l’esprit d’entreprise. Les libéraux contemporains (dans la suite de John Rawls) pense qu’une société juste doit favoriser l’égalité des chances et qu’il estdonc injuste que certain-e-s débutent dans la vie avec des ressources foncièrement différentes des autres. Si on veut que l’égalité des chances ne soit pas un vain mot, le premier pas est l’imposition lourde des successions. La NZZ balaie d’un revers de main ces arguments en prétendant (comble de la mauvaise foi!) que si l’on prend au sérieux l’égalité des chances, la taxation des héritages ne suffit pas et qu’il faut remettre à plat l’ensemble des structures sociales et la répartition des richesses. En effet! L’imposition lourde des héritages ne suffit pas, mais elle serait assurément un pas dans la bonne direction.

A l’offensive!

Si on se souvient qu’il y a quelques années à peine c’était le conseiller fédéral PRD Kaspar Villiger qui avait proposé un tel impôt, on mesure l’ampleur de la régression sociale et l’arrogance désormais sans borne de la droite prétendument libérale.

Face à une telle situation, on peut se demander si la position défensive de la gauche (initiative pour la justice fiscale, référendum contre la réforme de l’imposition des entreprises) ne gagnerait pas à être appuyée sur une demande plus offensive (qui figure au programme du PSS): la création d’un impôt fédéral sur les successions et les donations.

Alliances avec les vrais libéraux

Pour dégager une majorité politique au niveau fédéral, il serait nécessaire de décliner cette proposition sous une forme qui pourrait, au-delà de la gauche, regrouper les «vrais» libéraux (qui existent au PDC et au PRD). On pourrait ainsi imaginer la formulation d’une politique pour l’égalité des chances et l’innovation. Elle se déclinerait en deux volets: 1) création d’un impôt fédéral sur les successions et les donations 2) affectation de cet impôt à un fonds pour l’égalité des chances qui investirait dans la formation (par exemple sous la forme d’un système fédéral pour les bourses d’études, contrepartie de la fédéralisation de la formation). Cette politique d’égalité des chances agirait ainsi sur deux fronts: 1) moindre transmission de la richesse au sein de la famille, donc plus d’égalité des chances et incitation à l’innovation 2) développement de l’éducation, de la formation et de la recherche qui permettent, dans une certaine mesure, de redistribuer les cartes entre individus. Au PS de proposer une alliance sur ce sujet aux Verts et à une fraction de la droite. Il n’y aurait là encore rien de révolutionnaire, mais ce serait un premier pas vers plus de justice sociale, un meilleur niveau de formation et moins de rentiers improductifs.

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