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Fribourg: une gifle pour les retraites du personnel de l’État

Léo Tinguely •

Dimanche passé, les Fribourgeois·es se prononçaient sur un sujet autant technique qu’important: la réforme de la Caisse de prévoyance du personnel de l’État (CPPEF). Le projet, plébiscité par un score sans appel de 69,8% laissera un goût amer aux syndicats et à l’ensemble des employé·e·s de l’État qui seront forcé·e·s de travailler toujours plus longtemps pour percevoir des rentes toujours plus faibles.

Un projet en dessous de tout

La votation fribourgeoise de ce dimanche met fin à un feuilleton de près de trois ans. Si la nécessité d’une réforme vers un passage de la primauté des prestations à la primauté des cotisations suscite l’unanimité, la participation de l’État s’avère scandaleusement basse et les chiffres des prévisions avancées par l’État particulièrement douteux. Le montant de 380 millions de francs injectés par l’État peut à première vue apparaître comme important, mais il convient de rappeler que les cantons du Valais et de Genève ont, malgré des finances nettement moins resplendissantes, injecté respectivement 1,6 et 1,4 milliards de francs (montants adaptés à l’échelle fribourgeoise selon les calculs du SSP). De plus, l’État économisera près de 300 millions pour des départs en retraite anticipée qui resteront en théorie possibles, mais qui en pratique, deviendront pour beaucoup utopiques.

Dans cette réforme, le Conseil d’État fribourgeois s’engage à ce que les baisses de rentes maximales n’excèdent pas les 9,5%. Or, cette perspective s’appuie sur des prévisions (notamment un taux d’intérêt crédité à 2,5%) considérées comme beaucoup trop optimistes, et même irréalistes, par le cabinet d’experts en prévoyance Prevanto SA qui avait déjà réalisé l’expertise de la caisse de pension vaudoise. De fait, les baisses de rentes qui attendent les 20’000 salarié·e·s de la fonction publique pourront aller jusqu’à 18%. Pour ne citer que ces exemples, un·e enseignant·e primaire ou un·e infirmière·er de 46 ans perdront jusqu’à 500 francs par mois, à vie, en cas de départ en retraite à 64 ans. Pour tenir sa promesse, l’État aurait dû investir près d’un milliard; on en est bien loin.

Des syndicats décidément bien seuls

L’ampleur du résultat s’explique en partie par le manque d’opposition à cette réforme. À l’exception de la Jeunesse socialiste, aucun parti politique ne s’y sera publiquement opposé, pas même Solidarités. En parallèle de ses critiques vides et abjectes du Syndicat des services publics (SSP), la droite aura passé toute sa campagne à agiter que les conséquences d’un éventuel refus seraient encore plus néfastes pour le personnel. Succombant à un type de chantage qui ne date pourtant pas d’hier, la gauche se sera bien docilement rangée à ses côtés. Mais pire encore, certain·e·s élu·e·s de gauche ont semblé fondamentalement séduit par le projet. Celles et ceux-ci ne se seront pas gênés de faire campagne en répétant à l’identique les arguments et la rhétorique du camp bourgeois. Principal porteur du oui et proche de la gauche, la Fédération des associations du personnel du service public du Canton de Fribourg (FEDE) se sera même transformée le temps de quelques semaines en la nouvelle plateforme d’opinions des député·e·s libérales·aux et conservatrices·eurs. Les syndicats, pourtant unis, n’auront pas tenu le rapport de force.

Quel avenir?

Cette votation, fruit d’un référendum financier obligatoire (justifié par l’ampleur des montants injectés), met une nouvelle fois en lumière qu’un scrutin sur la fonction publique conduit toujours à entendre maintes horreurs sur ses salarié·e·s. Malgré la (ou même les) crise(s) du coronavirus, et le harassant engagement du personnel de l’État, il n’y aura pas eu d’exception fribourgeoise. Le débat se sera presque exclusivement limité à une opposition entre le secteur public et le secteur privé. Une opposition futile, puisque le premier sert bien souvent de baromètre au second, des attaques contre les retraites publiques anticipant toujours des dégradations de celles du privé. Même si la votation était inévitable, on peut légitimement se demander s’il n’est pas judicieux d’en éviter de nouvelles, d’autant plus que l’ampleur du résultat de ce week-end, combiné à un manque d’adversité de la gauche, fait craindre le pire pour la suite. Comme énoncé précédemment, il y a fort à parier que l’engagement du Conseil d’État ne puisse être tenu et que la caisse de pension revienne rapidement sur le devant de la scène. Il faudra alors lui rappeler ses promesses afin d’éviter que le personnel ne doive travailler plus pour gagner moins.

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