Édito 185: Haro sur le Parquet!

La rédaction •

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Procureur général du canton de Vaud depuis 2005, Éric Cottier prendra sa retraite le 31 décembre 2022. Magistrat «à l’ancienne», le chef du Ministère public sur le départ incarne un concentré de ce que la justice vaudoise peut avoir de moins reluisant. Une complaisance à l’égard des puissant·e·s, illustrée par ses refus d’instruire en lien avec les voyages russes de notables du cru; une sévérité sans grand frein à l’égard de réprouvé·e·s de la société, migrant·e·s, sans-papiers, jeunes en rupture qui passeront sous les fourches caudines de la section «Strada» du Parquet, plus intéressée par le rendement que par le respect du droit de se défendre; un exercice solitaire de l’autorité, incarné par ses multiples directives, publiées à contrecœur, et dont certaines ne sont pas étrangères à la surpopulation carcérale vaudoise dont le Parquet refuse d’assumer sa part de responsabilité; et une forme d’entre-soi de la magistrature, qui verra «l’intime conviction» du Procureur entraîner un verdict de perpétuité dans un procès criminel médiatisé.

Lorsque les animaux étaient malades de la peste, un jugement de cour pouvait vous rendre blanc ou noir selon que vous soyez puissant ou misérable. D’autres maladies infectieuses sont apparues en même temps que l’État de droit, dans lequel la condition du justiciable ne devrait pas influencer son traitement par la justice. Dans cette optique, la gauche pourrait tenter de faire haro sur le Parquet en revendiquant le poste de Procureur général du canton de Vaud, même si ce n’est pas le scénario qui se dessine actuellement.

Car une autre politique pénale est possible. Une politique pénale qui serait moins axée sur les chiffres et le rendement, moins sévère à l’égard de la petite criminalité, et recourrait moins à la détention provisoire et aux mesures pénales entraînant une privation de liberté. Cela implique d’admettre que le poste de Procureur général est un poste politique. Trop souvent, l’argument de «l’indépendance» du Ministère public et de la non-politisation des magistrat·e·s ne sert qu’à évacuer toute critique de la politique pénale menée. Or, procureur désigne étymologiquement le représentant de l’autorité, son fondé de procuration. Contrairement aux magistrat·e·s de jugement, les procureur·e·s doivent être indépendant·e·s uniquement dans les affaires individuelles, mais la politique menée par l’institution est soumise au contrôle des instances démocratiques. Voici ce que la gauche pourrait commencer par rappeler à l’occasion de cette élection à la tête du Ministère public.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 185 (automne 2022).

Crédit image: Joel & Jasmin Førestbird sur Unsplash.

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