Les CCT sont un outil précieux et que les travailleuses et les travailleurs doivent défendre. Néanmoins, elles ne suffisent pas à faire oublier l’extrême faiblesse du droit du travail en Suisse.
Et aujourd’hui, quel optimisme avoir, par exemple, pour l’introduction, dans un secteur où le taux de syndicalisation est faible (et donc le rapport de force au moment des négociations inexistant), d’une CCT ou l’extension de son champ d’application, lorsque l’on voit la convention nationale (CN) du secteur principal de la construction jetée à la corbeille comme un vulgaire torchon par le patronat? La fragilité d’un accord qui est régi (pour ne pas dire lié) par le partenariat social apparaît dans toute sa splendeur. Qu’en sera-t-il des négociations salariales demain dans la branche, par exemple, de l’électricité, si aujourd’hui les maçons de tout le pays, porte-drapeau des avancées sociales en Suisse, n’ont plus de convention? Quelles craintes doit-on avoir en matière de dumping salarial lorsqu’on met en perspective cette stratégie de démantèlement des conventions de la part du patronat à l’œuvre depuis les années 90, toujours plus violente, avec les récents Accords bilatéraux, dont les mesures d’accompagnement sont fondés sur les CCT?
Evidemment il ne s’agit pas de renier la portée des CCT, bien au contraire. Celles-ci doivent continuer à être défendues par tous les moyens par les syndicats, car elles n’en demeurent pas moins, dans le contexte légal actuel, le principal instrument de protection des salarié-e-s! Ce d’autant plus que la moitié d’entre eux n’est pas soumise à convention.
Des exemples comme la CCT de la vente et des commerces de détail de la ville de Lausanne, de la Coop, ou du nettoyage sont une illustration que l’on peut protéger des professions dans lesquelles le rapport de force est inexistant. Ces accords apportent dans leurs secteurs respectifs une base légale et des outils de contrôle des conditions de travail sur lesquels fédérer les travailleur-se-s et dénoncer les abus.
Voir plus loin
Pourtant à la lumière des attaques violentes et abouties du patronat à l’égard d’accord conventionnels historiques du paysage syndical helvétique, on est en droit de se demander si une vision à long terme de l’avenir des conditions de travail en Suisse n’impose pas de se battre pour un salaire minimum légal, voté par la population, égal pour tou-te-s, et non dépendant d’un rapport de force qui joue inexorablement en faveur du capital. L’initiative populaire (qui a obtenu les 7000 signatures nécessaires) pour un salaire minimum légal déposée au Tessin en septembre a été soutenue par l’USS tessinoise, et démontre que, sans parler de changement de cap des syndicats par rapport à leur préférence historique pour les CCT, l’heure est à l’élargissement du champ de vision. Un tel objectif ne doit pas être perçu comme une alternative aux CCT, mais plutôt comme un complément à celles-ci, qui tiendrait compte de la fragilisation croissante des conventions collectives, et qui offrirait des garanties à chacun-e dans la lutte contre le dumping salarial, un problème qui concerne tous les travailleur-se-s de ce pays.