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De plus en plus d’inégalités, de moins en moins légitimes

En plus des cadeaux (fiscaux) et des fêtes (commerciales), la fin d’année nous amène son lot de statistiques: répartition de la fortune, des revenus et salaires. Ce n’est pas Noël pour tout le monde.

Les derniers mois de l’année 2007 ont été riches en publications de chiffres au sujet d’une des préoccupations majeures de la population: le pouvoir d’achat et sa répartition. L’office fédéral de la statistique (OFS) a publié les résultats de son étude sur les salaires et on a pu trouver dans les médias (L’Hebdo, Bilan) des chiffres sur les salaires, les fortunes des plus riches. Les sources d’information se multiplient, telles que le rapport d’ethos sur la rémunération des dirigeants et administrateurs ou les publications de l’administration fédérale des contributions. Les conclusions, elles, sont toujours les mêmes: les inégalités entre habitants de notre pays sont de plus en plus impressionnantes, et leur évolution est terrifiante. A ce rythme, où serons-nous dans 20 ans? Où en seront les nombreux pays qui ont une répartition encore bien plus injuste que la nôtre? Si le phénomène est déjà dur au niveau national, il devient cataclysmique au niveau mondial.

Salaires: des écarts injustifiables

La moitié des salaires en Suisse sont supérieurs à 5674 francs, l’autre moitié étant donc inférieure. Moins d’un pourcent des salaires sont supérieurs à 20000 francs. Parmi ces hauts salaires, seuls 8% sont attribués à des femmes. 20% de la population a un salaire brut inférieur à 4286 francs. En l’an 2000, 10.9% des personnes gagnaient moins de 3500 francs. Alors que maintenant ils sont moins à gagner des salaires aussi bas, il faut se rappeler que le coût de la vie est sensiblement plus cher et que nous avons eu une bonne croissance économique. Si vous gagniez 3500 brut par mois en 2000, il faut gagner un peu moins de 4000 francs brut en 2006 pour garder le même niveau de vie, en comparaison à la production intérieure du pays. Or, ils étaient en 2006 14% à gagner moins de cette somme: l’inégalité a donc augmenté.

Ces quinze dernières années, le PIB par habitant (donc la richesse produite par personne en suisse) a augmenté de 25%, alors que les salaires ont augmenté de 19%. Cela veut dire qu’ils n’ont augmenté que de 3% en quinze ans si l’on tient compte du coût de la vie! Cela veut aussi dire que la croissance économique a beaucoup moins profité aux salariés qu’aux détenteurs de capitaux (qui gagnent les revenus liés au capital, rappelons-le, sans travailler).

Enfin, et c’est là que le bât blesse, cette très modeste croissance des salaires s’est surtout traduite par une augmentation énorme des très hauts salaires et donc une stagnation des plus bas salaires. A titre de comparaison, les salaires des 30 personnes les mieux payées en suisse ont augmenté selon Ethos en moyenne de près de 40% (en un an, donc), contre 1.2% pour la moyenne de tous les salaires. Et vous, quelle augmentation de revenu avez-vous obtenu en un an?

Fortune: la monarchie des temps modernes

Le vrai problème du fonctionnement de l’économie capitaliste se situe plus encore au niveau de la fortune que des salaires. Et là, les inégalités deviennent encore plus béantes. Les 0.14% des personnes les plus riches (soit moins de 10’000 personnes) contrôlent, rien que pour eux, les 20% de la fortune en suisse. Ces chiffres de l’OFS ne comptent pas les très grosses fortunes étrangères établies en suisse qui peuvent atteindre des montants astronomiques: 625 milliards pour les 300 plus riches, selon Bilan, ce qui fait 60% de l’argent détenu par les contribuables suisses. A titre de comparaison, il faut que plus de 80% de la population suisse se mette ensemble pour réunir la même fortune que les 0.14% les plus fortunées.

Le système perpétue les injustices

Y en a-t-il encore pour espérer que ce problème sera réduit dans le futur? Bien sûr, beaucoup sont prêts à accepter un certain degré d’inégalité dans la répartition des revenus et de la fortune, mais peu de gens pensent que la situation actuelle est raisonnable. Vous voulez le scoop du siècle? Grâce au principe de la rémunération des capitaux, cela ne peut qu’empirer. En effet, comme la fortune rapporte de l’intérêt, des dividendes et des plus values, la richesse ne peut qu’appeler plus de richesse. La croissance de la fortune est beaucoup plus élevée que celle de l’économie, car la rémunération du capital est supérieure à la croissance économique. Il faut bien que cet argent pour rémunérer la richesse soit pris quelque part. Vous l’aurez compris, les salariés qui auraient théoriquement droit à une augmentation doivent subventionner les fortunés, et dans une plus grande mesure que la croissance. Le système ne fait pas que de perpétuer les inégalités, il les exacerbe. Alors dans le futur, les fortunes des nantis seront encore plus grosses, ce qui leur permettra de «voler» encore plus de la croissance pour accroître leurs richesses. Evidemment, cette croissance inégale ne sera pas bonne pour l’économie à long terme car elle plombera la croissance, mènera à des crises dont les salariés, cette fois-ci, seront les premières victimes.

Une solution: la fiscalité

Il n’existe aujourd’hui qu’une mesure pour combattre ce phénomène: la fiscalité. Il s’agit du seul vrai mécanisme de redistribution qui redonne un minimum de raison au libéralisme sauvage sur lequel est basé notre système économique. Or, ce dernier rempart contre les injustices et garant du service public et de l’égalité des chances est attaqué de plein fouet par la droite aujourd’hui. Le 24 février, lorsque nous voterons sur la réforme de l’imposition des entreprises qui prévoit de faire des cadeaux fiscaux aux actionnaires (les mêmes qui accaparent déjà 80% de la fortune), il faut savoir que nous nous battrons pas seulement contre une mesure inique, mais surtout pour un avenir décent.

 

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