Le numéro 52 de la revue Widerspruch vient de paraître, il contient deux dossiers. Le premier permettra d’approfondire le dernier numéro de Pages de gauche sur la classe ouvrière puisqu’il porte sur les inégalités et l’exclusion. En introduction, un article d’Elmar Altvater attire l’attention sur les inégalités croissantes à l’échelle mondiale et montre comment cette thématique est sournoisement évacuée de l’agenda politique international. Diverses contributions mettent en lumière la disparition de la notion de « classe » dans la recherche actuelle en science sociales, au profit de concepts moins « chargés idéologiquement » mais donc aussi moins politiques. Pour le cas suisse, trois papiers méritent qu’on s’y attardent. D’abord un article de Daniel Oesch qui compare la structure sociale de la Suisse avec celle de l’Allemagne, en se basant sur un modèle en huit classes sociales. On y voit que, par exemple, les choix politiques sont encore largement attribuables à des positions sociales. Willy Eberle et Hans Schäppi sont plus radicaux. Se basant sur l’évolution des salaires et de la productivité en Suisse, ils montrent que les salarié-e-s forment une classe partageant un intérêt commun, et qu’il appartient aux organisations syndicales de promouvoir cette conscience de classe, afin de se battre effectivement contre la politique bourgeoise. Pour Vasco Pedrina et Hans Hartmann enfin, le passage d’une société industrielle à une société de service n’a pas conduit à une disparition des moyens traditionnels de lutte. Au contraire, se basant sur des statistiques d’UNIA, ils soulignent qu’en Suisse les grèves connaissent une résurgence, ainsi que d’autres formes nouvelles d’actions collectives. On notera encore d’intéressantes contributions portant sur la sélection scolaire, l’apprentissage « tout au long de la vie », ou les inégalités de genre.
Le second dossier s’attache au débat sur le « revenu universel » (Grundeinkommen/ Basic income) et comprend notamment une intervention d’André Gorz. On retiendra essentiellement la contribution de Michael Krätke qui rappelle que la proposition d’un revenu universel inconditionnel est intrinsèquement lié à la disparition de l’Etat social et des autres formes de redistribution, ce que semblent oublier nombre de thuriféraires de cette proposition. Dans cette perspective, les forces de gauche feraient mieux de se battre pour le salaire minimum que pour un revenu universel. Pour le reste les interventions dans ce dossier reprennent des propositions et des arguments déjà connus.
Signalons enfin la dernière livraison de l’organe théorique du parti socialiste suisse, la Rote Revue (2007/2), […] qui propose un dossier sur le capitalisme et l’écologie. L’article le plus intéressant est l’interview du spécialiste de la politique énergétique Conrad U. Brunner portant notamment sur l’efficacité énergétique. On reste néanmoins pantois du manque de réflexion écologique dans ce dossier au titre prometteur. Tout s’y passe comme si la question écologique était séparable (voire indépendante) de l’organisation de la production et de la consommation, et comme si la logique de la technique était purement neutre. A cet égard l’article de Peter Bodenmann est caricatural. Pour l’hôtelier briguois, l’utilisation de voitures à moteur hybride et la construction de centrales éoliennes devraient suffire à résoudre les problèmes écologiques. Camarades, encore un effort pour comprendre que l’exploitation de l’homme par l’homme et l’exploitation de la terre par l’homme sont les deux faces de la même monnaie industrialo-capitaliste !