«Un besoin social», cest dans ces mots que les dirigeants du Front populaire français justifient les mesures prises par le gouvernement en matière de loisirs et de politique culturelle. Les premiers «bibliobus» commencent à circuler pour amener le livre aux recoins les plus éloignés de la province. Le théâtre sefforce dêtre plus populaire. Il y a les chansons, dans les cortèges, dans les auberges de jeunesse ou encore dans les campings et gîtes qui se remplissent grâce aux congés payés. Outre des fameux chansonniers comme Jean Villard-Gilles, dautres musiciens soutiennent la gauche. L’avant-gardiste Arthur Honegger compose la musique de «Jeunesse». Bref, leffort de démocratisation de laccès à la culture et de la culture tout court est constant. Trente-cinq ans plus tard, au Chili de l«Unité populaire», la culture occupe également une place centrale au sein du projet socialiste. Cest la période de gloire du «Canto nuevo» incarné par des groupes comme Quilapayún et Inti Illimani ou des chanteurs comme Víctor Jara, que les militaires assassinent au lendemain du coup dEtat. Il y a aussi Isabel et Angel Parra, les enfants de Violeta, compositrice de «Gracias a la vida» transformée plus tard en succès planétaire par Mercedes Sosa. En plongeant aux racines du folklore paysan conspué par la droite, ces musiciens créent une nouvelle manière de faire en intégrant instruments traditionnels et paroles progressistes voire révolutionnaires. Les écrivains et poètes chiliens sillonnent le pays à linstar de Pablo Neruda qui reçoit le Prix Nobel de littérature en 1971. La fameuse maison dédition du gouvernement de Salvador Allende, Quimantú, fondée en février 1972, édite cinq millions de livres bon marchés en une année. Enfin, dans lart pictural, sinspirant du muralismo mexicain de Rivera, Orozco et Siquieros, des brigades de peintres utilisent chaque coin de mur vierge pour rappeler à travers des fresques les objectifs de la gauche, laspiration à un avenir socialiste.
