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Conventions collectives et libre-circulation des personnes

Depuis l’entrée en vigueur de la libre-circulation des personnes avec l’Union européenne en 2002, le rôle des CCT et de leur application sont devenus cruciales.

Les CCT représentent instrument central pour l’amélioration des conditions de travail des salarié-e-s en Suisse, en complément du code des obligations et de la loi fédérale sur le travail. Leur importance s’est même fortement accrue depuis l’introduction de la libre-circulation des personnes avec les pays de l’Union européenne.

Dumping salarial et mesures d’accompagnement

En 2000, les citoyen-ne-s suisses avaient dit Oui à une très nette majorité (67%) aux accords bilatéraux et aux mesures d’accompagnement, visant à améliorer la protection des salarié-e-s. En 2005, le peuple suisse a confirmé ce premier vote en acceptant par 56% l’extension de la libre-circulation des pe rsonnes aux dix nouveaux Etats-membres de l’UE, combinée avec un renforcement des mesures de contrôle par l’engagement de nouveaux inspecteurs du travail.

La combinaison entre libre-circulation des personnes et mesures d’accompagnement comportent, d’un côté, des menaces de pressions accrues sur les salaires et les conditions de travail en Suisse, et, d’un autre côté, une amélioration incontestable des instruments de protection des travailleurs. En quoi consistent ces fameuses «mesures d’accompagnement» et quel est leur lien avec les CCT?

Les mesures d’accompagnement se composent des aspects suivants: 1. La mise en place dans les cantons de commissions tripartites, composées de représentants du patronat, des syndicats et des cantons), chargées d’observer l’évolution du marché du travail et compétentes pour adopter des sanctions à l’égard des employeurs; 2. La nouvelle loi sur les travailleurs détachés, qui impose aux entreprises étrangères qui détachent temporairement des employés en Suisse, de respecter les conditions usuelles de travail de notre pays; 3. L’extension facilitée du caractère obligatoire des CCT en cas d’infractions aux conditions usuelles de travail, afin que leur application puisse se généraliser à l’ensemble des salarié-e-s de la branche; 4. L’introduction de Contrats types de travail, avec des salaires minimaux dans les secteurs sans CCT; 5. Finalement, l’augmentation du nombre d’inspecteurs du marché du travail dans les cantons.

En septembre dernier, le SECO et Doris Leuthard ont dressé un bilan de la mise en œuvre des mesures d’accompagnement et de la libre-circulation des personnes pour la période allant du 1.1.2006 à juin 2007. Sans entrer dans les détails, le bilan était considéré comme positif. Certains aspects constituent en effet une amélioration (augmentation du nombre de contrôles, mise sur pied des commissions tripartites, auparavant inexistantes dans certains cantons, adoptions de sanctions à l’égard de certains employeurs,…). Cependant, le rapport minimisait très largement la réalité du terrain, en particulier dans le secteur de la construction, où les infractions sont particulièrement nombreuses. En effet, une entreprise contrôlée sur deux ne respectait pas la Convention nationale, lorsque celle-ci était encore en vigueur.

Conflits et votations populaires à venir…

Comme on peut le constater, les CCT constituent un instrument central depuis l’entrée en vigueur de la libre-circulation des personnes avec l’UE. Or, c’est justement dans ce contexte que la Société suisse des entrepreneurs (SSE) du secteur de la construction a tout simplement décidé de dénoncer la CCT de la branche, couvrant plus de 80’000 personnes, un des secteurs les plus sensibles aux pressions découlant de la libre-circulation des personnes. Tout cela a débouché sur l’un des conflits les plus importants depuis des décennies en Suisse, dont l’issue reste incertaine.

A ce contexte tendu, s’ajoute encore la perspective de deux votations populaires sur le dossier. En effet, premièrement, la Suisse est maintenant en train de finaliser des nouveaux accords bilatéraux avec l’UE concernant l’élargissement à la Roumanie et la Bulgarie, qui pourront être contestés en référendum. Deuxièmement, l’adoption de la libre-circulation des personnes avec l’UE comportait également un volet de confirmation de ces Accords, sept ans après leur entrée en vigueur (soit en 2009) par la Suisse. Cette confirmation devra passer par un vote formel du Parlement, qui pourra être contesté par référendum facultatif.

Dans ces conditions, les syndicats, et en particulier Unia, ont raison de menacer de ne pas soutenir le nouvel élargissement à la Bulgarie et la Roumanie, ni la confirmation des Accords bilatéraux, si les employeurs, en particulier ceux de la construction, continuent à se montrer si intransigeants et à remettre en cause les CCT, tout en voulant en même temps préserver la Paix du travail! L’attitude scandaleuse de la SSE, et en particulier de son président Werner Messmer, doit être combattue par tous les moyens. Face à l’arrogance patronale, pas de libre-circulation sans convention collective de travail!

 

 

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