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Bilan de l’Union européenne sur la libre circulation

Les mouvements temporaires, difficiles à mesurer et à contrôler, constituent une part importante de la migration de travail dans l’Europe élargie.

Dans son récent rapport sur l’Emploi en Europe publié en novembre 2008, l’Union européenne (UE) dresse un bilan positif de la libre circulation dans l’UE élargie. Certains pays, comme l’Angleterre et l’Irlande, ont connu un afflux massif de travailleurs des pays qui ont rejoint l’UE en 2004. Les autres pays ont aussi connu une augmentation notable du nombre de travailleurs de l’Est, mais cette augmentation reste très modeste par rapport à leur population résidente totale.

12 pays de l’Europe des quinze (UE-15) ont mis en place des mesures de limitation de la libre circulation des travailleurs des nouveaux Etats membres. Aujourd’hui, ils ne sont plus que quatre (l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique et le Danemark) à maintenir des restrictions. Concernant la Bulgarie et la Roumanie – qui ont rejoint l’UE en 2007 – 13 pays ont mis en place des restrictions. La Suède et la Finlande sont les seuls qui ont totalement ouvert leur marché du travail pour ces deux pays.

Des mouvements temporaires importants

Entre 2003 et 2007, un peu plus d’un million de citoyens des UE-10 se sont installés durablement dans un pays de l’UE-15. Les flux migratoires dans l’UE élargie ont atteint leur sommet en 2006. Ils ont ensuite décliné sous l’effet du ralentissement économique qui va vraisemblablement se poursuivre dans la période à venir, mais aussi en raison de la convergence de leurs économies vers la moyenne européenne. En 2007, le revenu brut des UE-10 équivalait à 55% de la moyenne de l’UE-15, contre 47% en 2000. Celui de la Bulgarie et de la Roumanie était à 34% en 2007.

Depuis 2004, les trois quarts des flux migratoires issus des nouveaux Etats membres se sont concentrés sur trois pays: l’Angleterre (50%), l’Irlande (16%) et l’Allemagne (10%), qui comptaient déjà un nombre important de travailleurs de ces pays. Dans le cas de l’Irlande, l’augmentation a été particulièrement impressionnante puisque le nombre de citoyens de l’UE-10 (essentiellement polonais) a augmenté de plus de 550%, pour constituer presque 6% de la population résidente en 2007. En Suisse, ce pourcentage reste marginal (0.4% en 2007). Pour la Roumanie et la Bulgarie, il est encore trop tôt pour tirer un bilan de la libre circulation. Même si l’on observe une augmentation des flux migratoires de ces pays vers l’Espagne et l’Italie, ces mouvements ont commencé bien avant leur entrée dans l’Union européenne.
Un élément prégnant de la migration de travail dans l’Europe élargie est son caractère largement temporaire. En Irlande et au Royaume-Uni, le nombre de numéros de sécurité sociale délivrés à des citoyens des UE-10 a été deux fois et demie plus élevé que l’augmentation de leur nombre dans la population. En clair, cela signifie que plus de la moitié des travailleurs viennent puis repartent en l’espace d’une année. Par ailleurs, les statistiques ne saisissent que partiellement les types de mobilité «à la marge»,  comme le travail saisonnier ou, surtout, le détachement de travailleurs. Cette pratique, par laquelle une entreprise d’un Etat membre détache des travailleurs dans un autre Etat membre en restant salarié dans son pays d’origine, semble avoir pris une nouvelle envergure avec l’élargissement. Ainsi, alors que le nombre de ressortissants des nouveaux pays membres résidant de manière permanente en Allemagne n’a augmenté que de 36 000 en 2006, 133 000 travailleurs détachés issus des nouveaux Etats membres ont été postés dans ce pays durant la même année. Il y a de bonnes raisons de croire que les flux temporaires de ce type dépassent largement, en nombre absolu, la migration permanente.

Des zones d’ombre

Les analyses conduites jusqu’à maintenant ne décélent pas d’effet significatif de la migration des UE-10 sur les salaires et les taux de chômage dans l’UE-15. Les effets sur la croissance sont dans l’ensemble positifs, et les cas de dumping liés de manière plus ou moins directe à l’élargissement (Irish Ferries et Gama and Irlande, Laval en Suède et Viking en Finlande) sont considérés comme anecdotiques par rapport à la totalité des mouvements de travailleurs. Le chômage n’a pas augmenté dans les pays qui ont reçu plus de migrants des nouveaux Etats membres. Le taux d’emploi des migrants de l’Est est en général supérieur à celui des natifs, ce qui rend les craintes liées au «tourisme social» largement infondées.
Concernant l’impact sur les salaires, le problème principal des analyses existantes est qu’elles ne prennent que partiellement en compte les migrations temporaires. En effet, ces mouvements sont difficiles à compter (les études par sondage ne prennent pas en compte les mouvements inférieurs à une année), et leur impact économique sur les salaires est donc également difficile à mesurer. Or, le risque principal de dumping est justement lié à ces formes de travail «à la marge» (travail détaché et saisonnier). Ceci concerne essentiellement un nombre limité de secteurs économiques, comme la construction ou l’hôtellerie-restauration. C’est essentiellement au travers de ces formes d’emploi que les entreprises peuvent tirer le meilleur bénéfice (parfois de manière frauduleuse) des différentiels de salaire entre anciens et nouveaux pays membres. Par ailleurs, elles sont difficiles à contrôler par les autorités publiques, car elles nécessitent un appareil d’inspection important. De plus, dans le cas des travailleurs détachés, la mise en œuvre de sanctions pour les entreprises fautives dépend également du bon vouloir de tribunaux étrangers.

Commission européenne, L’Emploi en Europe 2008 (en anglais seulement)

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