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Neuchâtel: Le vote sur la CCTsanté21: «cachez ces liens que je ne saurais voir»

Le 26 novembre 2012, débutait un mouvement social à l’Hôpital de la Providence, face au refus du repreneur, le groupe privé GSMN, d’appliquer les conditions de la Convention collective de travail Santé21, pourtant obligatoire pour obtenir des missions publiques. La grève, la plus longue de l’histoire du canton, se solda par le licenciement des grévistes et la Providence obtint, du fait de la fragilité du système hospitalier neuchâtelois, une dérogation aux conditions légales. Il a donc, pendant des années, pu pourvoir à des missions hospitalières publiques sans souscrire aux conditions cadres prévues par la loi.

Cinq ans plus tard, jour pour jour, le 26 novembre dernier, la population neuchâteloise était appelée à voter sur le maintien de la CCTsanté21 dans la loi. La majorité de droite du Grand Conseil avait profité de la dernière session précédant les élections pour faire passer un projet visant à sortir la CCT de la loi. Les syndicats et la gauche ont lancé un référendum, qui, ayant abouti, a mené à la votation du mois passé.

PLR et UDC, faisant campagne commune, donnèrent le ton en se répandant en affiches prétendant que la CCT engendrerait des surcoûts en ne distinguant pas le personnel soignant de jardiniers ou cuisiniers et serait responsable des primes LAMal élevées. Une affiche, deux gros mensonges: tout d’abord, la CCT ne prévoit pas moins de neuf catégories professionnelles et sépare donc bel et bien les régimes salariaux entre les différents métiers. Ensuite, la LAMal ne prend en charge que les gestes médicaux. Il est donc parfaitement faux de vouloir lui imputer une influence sur les primes au prétexte de conditions de travail (horaires, repos, jours de congé, etc.) qui ne la concernent pas. Le deuxième mensonge était si grossier que, chose inédite, PLR et UDC imprimèrent une nouvelle affiche ne contenant plus cet argument.

Face à ces attaques mensongères, les partisans du maintien de la CCT dénoncèrent les liens entre plusieurs figures prééminentes du PLR et le groupe GSMN. Et il y a de quoi s’interroger, quand on voit par exemple que le Conseiller national Philippe Bauer est membre du conseil d’administration de l’entreprise ou que le chef du groupe parlementaire est un ancien membre de la direction de la Providence, depuis devenu «indépendant», créant une structure mandatée pour gérer les urgences de cet hôpital. Tous étaient en tête de gondole de la campagne, cherchant par tous les moyens à enterrer la CCT. Et pour cause, la fameuse dérogation prendra fin cette année et GSMN devra alors se soumettre aux exigences de la CCT pour garder les missions publiques qui lui sont attribuées.

Les grévistes le disaient alors à qui voulait l’entendre: après eux, ce sera au tour de l’hôpital public d’être attaqué par les appétits de GSMN. La présente votation leur a donné raison, l’offensive remettant en cause les conditions de travail de toute la branche.

Le Conseil d’État a lui-même souligné que la CCT était fondamentale pour la stabilité du réseau de santé cantonal et qu’en ces temps mouvementés pour la politique hospitalière, il était vital de maintenir de bonnes conditions de travail. Mais cet argument n’allait pas freiner les ardeurs des relais politiques de GSMN. Antoine Hubert, jamais sujet à la pudeur, confessait à L’Agefi que «notre grand avantage est que certains cantons rencontrent aujourd’hui des problèmes de financement en raison du dysfonctionnement de leurs hôpitaux et des contraintes légales de financement hospitalier (DRG)».

Le PLR, quant à lui, définitivement à cours d’arguments, porta plainte contre les affiches dénonçant ses liens avec le groupe privé. Le président du groupe inter-partis contre la CCT, Damien Humbert-Droz, se livra à un bel exercice de tartufferie sur les ondes de la RTS, admettant ces liens, disant même les assumer, mais estimant que les afficher d’une telle manière dépassait les bornes.

Toujours est-il que la population trancha et décida par les scores sans appel de 76.55% et 77.15% de conserver la CCT dans la loi, refusant catégoriquement qu’on «Hubert-ise» la santé publique. Face au peuple, les grévistes de La Providence ont finalement obtenu gain de cause.

Matthieu Béguelin

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