Le capitalisme sans rival, vraiment?

Léon De Perrot-Kopilaš •

Branko Milanovic est un économiste qui passerait aisément pour un hétérodoxe dans les milieux néoclassiques: le dernier livre de ce spécialiste des inégalités économiques est une nouvelle critique du système capitaliste, «sans rival» autre que lui-même. Il y aurait ainsi deux capitalismes en compétition, l’un «libéral démocratique» représenté par les États-Unis, l’autre «politique» représenté par la Chine.


Critique du capitalisme dans sa forme «hypercommerciale» devenue «inévitablement amorale», Milanovic n’en est pas moins un défenseur de ce système auquel il n’y aurait «pas d’alternative» viable. Il s’agit pour lui avant tout de le réformer radicalement pour le mettre en accord avec les principes fondamentaux du libéralisme: le capitalisme «politique» n’étant (philosophiquement) pas viable selon lui, il s’agit de réformer le capitalisme libéral méritocratique, actuellement «ploutocratique», par la taxation totale de l’héritage économique et sa redistribution égalitaire en dotations uniques à chaque individu au moment de son accession à l’âge adulte. Cela empêcherait toute constitution d’une «classe supérieure», uniquement définie par sa détention de capital économique, affirme-t-il, faisant ainsi fi d’un demi-siècle de recherches sociologiques sur les capitaux culturel et relationnel

Car l’ouvrage de Milanovic, intéressant par sa critique du capitalisme néoclassique «de l’intérieur», n’est intellectuellement pas très stimulant, l’auteur en restant à un «économisme» pur et simple, sans mobiliser les (autres) sciences humaines, menant souvent à de grossières simplifications. Le travail de Milanovic, comme celui de trop d’économistes, a au bas mot cinquante ans de retard sur la sociologie économique, et vingt sur l’analyse critique des capitalismes par l’économie politique critique.

À lire : Branko Milanovic, Le capitalisme, sans rival. L’avenir du système qui domine le monde, Paris, La Découverte, 2020.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 178 (hiver 2020-2021).

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