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La santé, malade des brevets

La recherche et développement (R&D) de nouveaux médicaments repose sur les monopoles et les
opportunités de profits que le système actuel des brevets permet d’envisager. Censés à l’origine stimuler
l’innovation et le développement de nouveaux produits, les brevets incitent plutôt les géants pharmaceutiques à se recroqueviller sur leurs acquis, au détriment des besoins les plus élémentaires de santé publique.

L’industrie pharmaceutique, dominée par les multinationales états-uniennes, européennes et suisses, est l’un des secteurs économiques les plus rentables. Elle justifie l’existence des brevets par la nécessité de recouvrir les coûts de recherche. Or, près de 60% des dépenses mondiales de la R&D en matière de santé sont soutenues par le secteur public, si l’on tient compte des subventions publiques et autres incitations fiscales.

Une crise profonde de l’innovation

Depuis que le système des brevets est en place via les accords internationaux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), on assiste à un recul progressif des innovations, c’est-à-dire des produits contenant de nouvelles molécules présentant un avantage thérapeutique avéré par rapport aux traitements existants. Dans un marché saturé de médicaments de moins en moins différenciés mais pouvant rapporter gros, la R&D de médicaments innovants n’est pas une priorité. Une étude a permis de montrer que le nombre de nouvelles molécules homologuées auprès de l’agence états-unienne de contrôle des médicaments (FDA) n’a cessé de baisser, passant de 53 en 1996 à 22 en 2006, alors même que les dépenses de R&D sont passées de 15 à 43 milliards de dollars entre 1995 et 2006. Entre 1989 et 2000, seuls 24% des nouveaux médicaments approuvés apportaient des améliorations par rapport aux médicaments déjà disponibles.

La crise profonde de l’innovation et la concurrence acharnée que se livrent les géants pharmaceutiques pour prendre des parts de marché font qu’ils dépensent plus pour le marketing (entre 25% et 35% de leur chiffre d’affaires) que pour la R&D (entre 15% et 20%). En 2008, par exemple, sur un chiffre d’affaires de 41.5 milliards de dollars, Novartis a dépensé 12 milliards (29%) pour le marketing contre 7 milliards (17%) pour la R&D. Face au résultat net de l’exercice 2008 enregistré par le groupe (plus de 14 milliards de francs suisses), la part consacrée à la R&D semble bien mineure.

Des conséquences majeures en termes de santé publique

Ne représentant pas un marché suffisamment rentable, les pays en développement sont les grands perdants de cette course au profit. Alors que le droit à la santé et l’accès à des médicaments vitaux de populations entières sont en jeu, les pays du Sud subissent les assauts répétés des grands groupes pharmaceutiques. Appuyés par leurs gouvernements respectifs, ils imposent leurs médicaments protégés à des prix inabordables et empêcherntces pays d’utiliser le peu de flexibilités contenues dans les accords de l’OMC, notamment en matière de production ou d’importation de produits génériques lors d’urgences sanitaires.

Aujourd’hui, le problème concernant les maladies négligées a enfin été reconnu, même si la question de son financement à long terme n’est pas résolue pour autant. Ainsi, les Etats ont réaffirmé leur responsabilité première dans ce domaine en adoptant, à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mai 2008, un plan d’action mondial pour une recherche pharmaceutique qui soit orientée sur les besoins de santé publique, et non plus seulement sur le marché.

Pour une santé abordable

L’enjeu est notamment de dissocier le financement de la R&D du prix des médicaments, afin que ceux-ci soient disponibles à des prix abordables, au Nord comme au Sud. D’autres initiatives existent, comme la communauté de brevets (patent pool, par lequel des brevets sur une technologie particulière détenus par plusieurs acteurs sont mis en commun), un projet de traité international sur la R&D médicale, ou encore un « prix » pour récompenser l’innovation médicale. Enfin, l’essor de partenariats public-privé ou partenariats pour le développement de produits à but non lucratif, créés pour pallier les lacunes de la R&D de l’industrie, est un développement majeur. En 2004, ces partenariats ont réalisé 75% des projets de nouveaux médicaments pour les maladies négligées.

Les idées sont là, il s’agit maintenant pour les Etats – y compris la Suisse – d’assumer leur rôle dirigeant en matière de santé et de mettre en œuvre concrètement ces propositions.

En savoir plus: www.ladb.ch  

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