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Green new… unionism!


Par Benoît Gaillard


Le discours politique des syndicats suisses prend parfois une teinte verte. Green jobs et green new deal font partie du paysage rhétorique. Si la rupture avec le capitalisme émerge par endroits, on est encore loin d’un adieu au productivisme.

«Par reconversion durable, nous entendons davantage qu’une utilisation respectueuse des ressources naturelles ou la réduction des émissions de CO2. L’enjeu est d’amener un ordre économique qui installe un rapport au travail et des relations humaines plus respectueux». La citation, tirée de la brochure publiée en 2009 par Unia et intitulée La crise. Ses mécanismes. Nos réponses, est ambitieuse. Elle laisse entendre, par sa structure même, que le plus grand syndicat de Suisse est conscient de la nécessité d’aller plus loin, que l’écologie peut et doit signifier davantage que la réduction de la consommation d’essence ou des émissions de gaz carbonique.

La croissance, c’est dur

Au chapitre des propositions, les grands mots laissent la place à des demandes bien moins frappantes. Dans le «Programme en six points» d’Unia contre la crise comme dans l’appel du Premier mai 2009 de l’USS, revendications écologiques et revendications syndicales restent dramatiquement cloisonnées. Aux programmes pour l’isolation des bâtiments, l’encouragement du transport ferroviaire ou le renouvellement du parce automobile, on assigne d’ailleurs le seul rôle de moteurs potentiels d’une croissance future. Une croissance durable, une croissance qui dure: si possible infinie, comme dans les plus beaux rêves des capitalistes.

L’écologie au service d’une industrialisation nouvelle est une vision que les Verts eux-mêmes semblent parfois partager. Dans le document adopté début 2009, ils affirment leur confiance dans la technologie pour permettre une croissance verte. L’économie doit réduire son intensité matérielle, c’est-à-dire la quantité de matière consommée pour produire des richesses. Richesse immatérielle pour PIB céleste, encore du rêve. Peu importe que ceux qui travaillent soient des humains en chair et en os. L’important, c’est que ça monte…

Éloge de la descente

Mais ne soyons pas cruels. De part et d’autre, les positions en présence permettent, en tant que telles, d’articuler un discours cohérent – pour autant qu’on soit disposé à abattre certaines barrières. Par exemple, la revendication d’une diminution du temps de travail, qu’on trouve au sein de la gauche politique aussi bien que dans le discours syndical, ne devrait-elle pas être simplement déplacée au chapitre «écologie», et donc mise au centre d’une conception «durable», «verte» ou «écologique» de l’économie – ou plutôt de la vie humaine, qui nous intéresse bien davantage que les fétiches qui ont pour noms PIB, marchés financiers et bourses?

Une vraie implication de l’écologie dans le syndicalisme ne doit pas se limiter à explorer de nouveaux terrains pour une croissance verte, des emplois verts et une bureaucratie verte. Elle doit redéfinir quelle richesse elle souhaite voir produire, oser appréhender par exemple, comme le suggère André Gorz, que le «lien social» est lui aussi une «richesse sociale produite». L’enjeu est énorme: il ne s’agit de rien moins que d’amener un ordre économique qui installe un rapport au travail et des relations humaines plus respectueux. Relisez le début de cet article: cette phrase est extraite de la première citation. Peut-être ne sommes-nous pas si loin du but.

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