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Grèce: la victoire de Syriza et la gauche

Quelles leçons tirer de la victoire de Syriza en Grèce? Alexis Tsipras peut-il effectivement remettre en cause la politique d’austérité de la Troïka?

Syriza, parti qualifié de «gauche radicale» par la presse internationale, a été le grand gagnant des élections en Grèce, suscitant la peur des créanciers internationaux et des marchés financiers. L’agenda du parti d’Alexis Tsipras s’inscrit en effet en net décalage avec le programme d’ajustement structurel de la Troïka et avec les politiques poursuivies par le gouvernement grec, jusqu’ici contrôlé par une alliance entre le PASOK (centre-gauche) et Nouvelle Démocratie (centre-droit).

Alors que le pouvoir d’achat des Grec·que·s est descendu au niveau du début des années 2000 après un programme de dévaluation interne, Tsipras promet une augmentation du salaire minimum et une renégociation de la dette et du programme structurel. Manquant la majorité absolue pour deux sièges, il a dû s’allier avec les Grecs Indépendants, un parti de la droite populiste formé de dissident·e·s de Nouvelle Démocratie. Dans ce contexte, il s’est assuré le soutien d’un partenaire déterminé contre les politiques d’austérité imposées par les créanciers internationaux de la Grèce, mais aux positions résolument rétrogrades quant aux questions de société, comme l’immigration ou la séparation de l’église et de l’État. Que peut-on apprendre de ces résultats et quelles sont les perspectives de succès de son programme?

Premièrement, davantage même que le succès de Syriza, le phénomène marquant de ces élections a été l’écroulement des partis traditionnels, et en particulier l’effondrement spectaculaire du PASOK, qui a chuté de près de 40% aux élections de 2009 à 4% aujourd’hui. Cet effondrement est dû à des facteurs idiosyncrasiques du système clientéliste grec, mais il peut aussi préfigurer le destin électoral d’autres partis de centre-gauche en Europe.

La cause première de la destruction du PASOK est bien sûr la politique d’austérité qu’il a pratiquée en collaboration avec Nouvelle Démocratie, sous la domination de la Troïka. Cette politique a considérablement érodé son soutien électoral, dans la mesure ou ce dernier reposait sur un système clientéliste qui «carburait» à la dette publique et à l’immunité fiscale. À ce titre, le PASOK avait peu en commun avec la social-démocratie scandinave, par exemple. Son idéologie se différencie peu de son homologue de droite. Il s’agit d’un parti étroitement connecté à certaines clientèles électorales, distribuant rentes et avantages fiscaux de toutes sortes à certains groupes déjà privilégiés au détriment d’une masse croissantes d’électrices·eurs désaffilié·e·s. Lorsque le parti s’est retrouvé forcé de démanteler ces pratiques qui le maintenaient au pouvoir, il a signé son arrêt de mort. Maintenant, son destin va vraisemblablement ressembler à la démocratie chrétienne italienne, qui a implosé une fois qu’elle a été éjectée du pouvoir. Sa survie était liée au contrôle de l’État et à la distribution des bénéfices qui en découlaient.

Maintenant, Alexis Tsipras et son ministre des finances, l’économiste Yanis Varoufakis, vont-ils parvenir à tenir leurs promesses électorales, notamment auprès des électrices·eurs déçu·e·s du PASOK? Le problème principal pour mettre un terme à la trajectoire économique désastreuse de la Grèce est que le gouvernement grec n’est pas maître de son destin en matière de politiques économiques. D’une part, l’État grec est encore sous perfusion; il est fortement tributaire de financements externes pour maintenir ses activités, et une cessation des paiements de la part de ses créanciers (le FMI, la Banque Centrale Européenne) le mettrait de fait en situation de défaut de paiement, avec des conséquences catastrophiques, y compris à court terme.

Si aucun accord n’est trouvé assez vite entre le nouveau gouvernement et ses créanciers, la Grèce pourrait de facto être en état de faillite, ce qui entraînerait certainement sa sortie de l’euro. Un compromis possible serait une renégociation de la dette en échange d’un programme renforcé de reformes structurelles, notamment en ce qui concerne la perception des impôts. Ces reformes ont été fortement freinées par les gouvernements précédents car ils n’avait aucun intérêt à torpiller les piliers du système clientéliste qui les maintenait au pouvoir. Néanmoins, on peut douter de l’efficacité de telles réformes pour sortir la Grèce du marasme économique dans lequel elle se trouve, du moins aussi longtemps qu’elle partagera la même monnaie que l’Allemagne, sans influence sur son taux de change nominal.

Dans le passé, des pays à forte inflation comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal utilisaient la dévaluation de leur monnaie pour rendre leurs exportations plus compétitives. Depuis leur entrée dans l’euro, la seule façon de poursuivre ce but et la dévaluation interne – c’est-à-dire l’austérité – avec les conséquences sociales que l’on sait. Dans la mesure où Alexis Tsipras a promis à ses électrices·eurs de rester dans la zone euro, on ne sait pas très bien comment la Grèce pourrait sortir de ce cul-de-sac.

 Alexandre Afonso

 

 

 

 

 

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2 commentaires

  1. je pense que l’auteur se trompe complètement. Il réfléchit par rapport à des catégories existantes qui seraient immuables, alors que Tsipras veut changer de cadre et faire bouger les lignes

  2. Article très actuel. Toutefois, j’aimerais savoir combien d’anciens membres ou personnel politique de PASOK sont passés à Syriza.

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