ÉDITORIAL • Une politique de renvois forcés au détriment des réfugié·e·s

Samson Yemane •


En janvier dernier, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a fait renvoyer par la force des réfugié·e·s éthiopien·ne·s dans leur pays d’origine. Pourtant cet État gouverné par Abiy Ahmed, Prix Nobel de la paix en 2019, traverse depuis novembre 2020, une guerre civile qui, contrairement au discours officiel des autorités éthiopiennes, est loin d’être terminée. En effet, ce conflit initialement politique s’est transformé en véritable guerre couverte à l’encontre des dirigeant·e·s de la province de Tigré. La stabilité du pays, ainsi que celle du reste de l’Afrique de l’Est en a été profondément mise à mal. Aujourd’hui, les organisations internationales et certaines ONG telles que l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et Amnesty International Suisse parlent actuellement de crimes contre l’humanité. Évidemment, le Premier ministre éthiopien, qui désire préserver son image, nie systématiquement toutes les accusations d’interventions politico-militaires.

Malgré ce contexte instable, les autorités migratoires suisses ont organisé un «vol spécial» qui déroge honteusement au principe de protection des réfugié·e·s. Au nom de quoi? De l’accord de réadmission signé en 2018 entre le gouvernement éthiopien et les États européens. Toutefois, le contexte dans lequel l’accord a été signé est totalement différent de la situation actuelle. Par conséquent, il est irresponsable d’appliquer cet accord juridique alors que l’Éthiopie vit une situation de guerre civile. En d’autres termes, la Suisse a mis en danger ces exilé·e·s en les renvoyant, alors qu’elle savait que leur vie était fortement menacée. Ces décisions de renvoi ont été prises en violation totale de la Convention de 1951 relative aux droits des réfugiés, approuvée par l’Assemblée fédérale en 1954 et entrée en vigueur officiellement en 1955.

Selon moi, cet accord de renvoi s’avère être profondément problématique et sa légitimité devrait impérativement être (ré)questionnée. En effet, les autorités helvétiques devraient défendre une politique migratoire qui met au centre l’intérêt des réfugié·e·s, au lieu d’implémenter des politiques publiques sécuritaires et anti-migratoires. Ainsi, le SEM aurait dû entendre les voix des Éthiopien·ne·s craignant pour leur vie et devrait cesser tout renvoi. D’ailleurs, c’est précisément à travers cette logique humanitaire que l’OSAR a revendiqué par communiqué le 25 janvier 2021 «l’arrêt immédiat de tout renvoi forcé dans ce pays en crise».

Samson Yemane est Collaborateur de l’OSAR et Conseiller communal élu du PS Lausanne

Publié comme éditorial dans Pages de gauche n° 179 (printemps 2020).

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