Disparition de notre dessinateur Christian Vullioud

La rédaction •


Notre dessinateur Christian Vullioud est décédé prématurément le 3 mai, à l’âge de 58 ans, comme nous l’avons appris avec stupéfaction le week-end passé. Nous sommes évidemment dévastés par cette nouvelle totalement inattendue.

Christian a accompagné Pages de gauche dès son premier numéro et n’en a presque manqué aucun depuis, jusqu’au numéro du printemps 2022 sorti il y a moins d’un mois. C’est la seule personne de la rédaction qui peut se targuer d’une telle persévérance, avec la production de centaines de dessins depuis le tout premier qu’il a publié dans notre journal (qui illustre cet article) et qui accompagnait le no 1 de Pages de gauche, paru en mai 2002. Il y brocardait la droite et son opposition à une assurance-maladie sociale, un sujet sur lequel il reviendra très souvent. On y voit le personnage qu’au sein de la rédaction on appelait Jean-Rodolphe et qui représentait la caricature du patron (en référence à l’ancien Conseiller fédéral Hans Rudolf Merz).

Christian nous envoyait avec régularité ses dessins peu avant le bouclage de notre journal, comme il l’a encore fait à la fin du mois de mars, et permettait à Pages de gauche de maintenir un lien avec cette vieille et grande tradition du dessin de presse. On le sait, les lectrices·eurs entretiennent une sorte de familiarité avec les dessinatrices·eurs de presse, si bien qu’on a souvent l’impression de connaître celles et ceux qui se cachent derrière ces dessins et caricatures sans même les avoir rencontrés.

Cette voix discrète qui s’est tue au sein de la rédaction, cette plume qui s’est définitivement posée au bord de la planche à dessin, elle nous manquera. Si nous lui rendrons un hommage plus complet dans notre prochain numéro, nous republions ci-après dans un premier temps un entretien de Christian réalisé en novembre 2012 (Pdg no 116) par Antoine Chollet au moment des 10 ans du journal.


10 ans de Pages de gauche: 10 ans de dessins

La seule personne à avoir suivi Pages de gauche depuis le début, en contribuant régulièrement au journal, est notre dessinateur, Christian Vullioud («Cévu»). Chaque mois, il nous envoie ses dessins et dispose – c’est le seul d’ailleurs! – d’une autonomie totale quant à leur thème et à leur réalisation. Nous lui avons demandé de nous parler de son expérience au sein du journal.

Peux-tu nous rappeler quelle a été ta participation à Pages de gauche?

J’ai commencé à dessiner dès le premier numéro de Pages de gauche. C’est Didier Zumbach, du Parti socialiste d’Orbe, qui m’avait présenté à Philipp Müller. À l’époque, j’avais déjà fait des petits dessins pour le journal satirique de la Vallée de Joux. J’ai donc suivi les séances de rédaction dès ce premier numéro, avec le dessin de Jean-Rodolphe en dernière page (en illustration du présent article). Depuis, je crois n’avoir manqué que deux numéros sur les 116 parus!

Je me suis aussi occupé, très tôt, de la mise en page du journal, activité qui s’est poursuivie jusqu’au numéro 48 (septembre 2006). C’est Philippe Mivelaz qui avait assuré la mise en page des tout premiers numéros, avec la première maquette. J’avais pris le relais ensuite, notamment avec la nouvelle maquette dès le numéro 15, en septembre 2003.

Comment est né le personnage de JR?

Je l’ai créé dès le premier numéro, avec ce dessin sur les primes d’assurance-maladie. L’idée avait alors été lancée d’utiliser ce personnage dans chaque numéro. JR, c’est la figure caricaturale du patron, avec son cigare, son costume et son embonpoint. Il servait auparavant à illustrer les dossiers.

Le nom de Jean-Rodolphe est venu un peu plus tard, au moment de l’élection de Hans-Rudolf Merz au Conseil fédéral en 2003. Merz représentait alors lui-même une sorte de caricature du patronat suisse.

Qu’est-ce qu’un bon dessin de presse, pour toi?

C’est une question difficile. Il m’arrive parfois de ne pas avoir d’idées, d’en chercher une assez longtemps. Les meilleures idées de dessins sont des choses très simples, en général. Mais parfois, l’idée semble si évidente qu’on se dit que tout le monde va avoir la même!

Ce qui me semble le plus efficace en général, c’est d’associer deux actualités différentes dans un même dessin, en créant ainsi un rapprochement dont l’effet sera étonnant, intriguant, et si possible drôle.

À mon avis, les dessins de presse qui se suffisent à eux-mêmes sont les meilleurs.

Que représente Pages de gauche pour toi?

La première chose que j’aimerais dire, c’est qu’au moment de sa création, je n’aurais jamais pensé que ce journal tiendrait pendant dix ans!

Dès le départ, il s’est agi d’affirmer les positions de la gauche du PS, notamment par rapport aux alémaniques. Pages de gauche se voulait comme la voix romande de ce courant. Je dois dire qu’au niveau national, les choses se sont quand même un peu améliorées depuis dix ans, malgré tous les problèmes que l’on connaît. Faire ce journal, c’était aussi, pour nous, servir d’aiguillon, rappeler des positions de gauche.

Enfin, mais c’est plus technique, fabriquer un journal demande un engagement intense, les délais sont toujours serrés, les articles n’arrivent pas à temps, on fait des nuits blanches pour le bouclage… On le sait, la presse, ça presse toujours!

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