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Débat: « RFFA : un progrès de gauche »

Suite à la parution de l’article « RIE III, RFFA : non c’est non ! », Rebekka Wyler, co-secrétaire générale du PS Suisse a souhaité réagir.

En 2017, le peuple refusait la troisième réforme de l’imposition des entreprises suite à un référendum du PS. Quelques mois plus tard, le peuple rejetait le projet « Prévoyance 2020 ». Après ce double refus, deux problèmes sont donc restés sans solution : d’une part, notre système fiscal, qui favorise honteusement les multinationales, doit être mis en conformité avec les standards internationaux ; d’autre part, le compte de répartition de l’AVS est devenu déficitaire à hauteur d’un milliard par an, aggravant son manque de financement.

Le nouveau projet soumis au vote le 19 mai supprime les privilèges fiscaux démesurés offerts aux multinationales, en particulier les fameux « statuts spéciaux ». C’est donc un progrès historique en direction d’une plus grande justice fiscale. Désormais, les entreprises multinationales seront traitées sur un pied d’égalité que les entreprises actives en Suisse. Par rapport au projet rejeté par le peuple en 2017, la loi sur laquelle nous nous prononçons a été substantiellement corrigée dans le bon sens.

En outre, ce projet prévoit d’injecter chaque année deux milliards de francs dans l’AVS. Cela permet de repousser d’environ sept ans l’augmentation des déficits. Ces deux milliards consolideront l’AVS et la protègeront contre de futures coupes. Le financement provient pour 1,2 milliard d’une augmentation de 0,3 % des cotisations salariales qui se partagent entre les employeuses·eurs et les employé·e·s. C’est un financement très social, puisque 92 % des assuré·e·s paient moins de cotisations qu’ils et elles ne toucheront de rentes.

Malgré tout, certains groupes et individus veulent, tout en étant de gauche, refuser cette proposition. Ce refus serait tout sauf de « gauche » à mes yeux.

Le 19 mai, quiconque se prononce contre RFFA empêche l’AVS d’être solidement financée avec deux milliards de francs supplémentaires, torpillant ainsi l’œuvre de redistribution la plus aboutie de Suisse et détruisant une victoire pour laquelle nous nous battons depuis 43 ans. Quiconque se prononce contre RFFA ouvre la voie à une augmentation antisociale de la TVA, ou pire encore. Deux milliards de francs correspondent à une augmentation d’un an de l’âge de la retraite pour toutes et tous. Quiconque se prononce contre RFFA monte à la tribune aux côtés des jeunes bourgeois qui racontent des contes de fées sur le fait que la restructuration de l’AVS par des cotisations salariales est mauvaise pour les jeunes.

Quiconque refuse le projet inscrit la Suisse directement sur la liste noire des paradis fiscaux de l’OCDE, aux côtés des républiques bananières. Quiconque se prononce contre RFFA se bat pour s’assurer que le plus grand système d’évasion fiscale au monde (les privilèges fiscaux) ne soit pas aboli et que le deuxième mécanisme d’évasion fiscale le plus important (le principe d’apport en capital) ne soit pas désamorcé. Quiconque dit non le 19 mai soutient le fait que les entreprises suisses soient récompensées lorsqu’elles cachent des bénéfices provenant d’autres pays et qu’elles distribuent en Suisse des capitaux qu’elles ont elles-mêmes déplacés en les exonérant totalement d’impôt.

Quiconque se prononce contre RFFA évite aux multinationales, bénéficiant auparavant de privilèges fiscaux considérables, d’avoir à payer environ deux milliards d’impôts supplémentaires (en raison de la suppression du statut fiscal, de la correction de la RIE II – et malgré la patent box et la déduction R&D). Quiconque dit non le 19 mai s’oppose à l’augmentation de l’imposition des grands actionnaires, car l’imposition des dividendes ne serait alors pas augmentée au niveau fédéral ou dans les cantons. Quiconque dit non le 19 mai empêche les sociétés de financement d’être imposées plus lourdement (grâce à la suppression des statuts fiscaux). C’est le cas à Zurich, où l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts peut être introduit en tant que nouvel instrument.

Quiconque se prononce en faveur du non ne freine pas la concurrence fiscale entre les cantons, mais l’accélère, car, pour Daniel Lampart (économiste en chef de l’Union syndicale suisse), sans loi fédérale, les cantons « tenteront non seulement de réduire sensiblement les taux d’imposition, mais également d’introduire leurs propres privilèges fiscaux en contradiction avec l’harmonisation fiscale, comme le réclament depuis longtemps certains ultra-fédéralistes néo-libéraux. Cela ferait chuter les impôts dans tous les cantons ».

Quiconque se prononce contre RFFA nous empêche de renverser l’injustifiable politique fiscale des vingt dernières années en matière d’impôt des sociétés : le projet de loi prévoit un renversement partiel des réformes sur l’imposition des entreprises I, II et III. Ceci est une politique de gauche, une sortie progressive de ce système de chantage.

Je vous demande instamment de dire oui à RFFA le 19 mai prochain. La réforme fiscale et le financement de l’AVS sont des progrès de la gauche. La RFFA désamorce les deux problèmes les plus urgents de la Suisse : le trou qui se creuse rapidement dans l’AVS et la fiscalité internationale illégale de la Suisse. Le projet de loi ne rend pas pleinement justice à l’imposition des sociétés et ne réhabilite pas l’AVS pour toujours. Cependant, il permet de prendre des mesures importantes allant dans cette direction et nous donne le temps de préparer d’autres mesures avec tou·te·s les partenaires.

Le PS Suisse continuera à se battre, jusqu’à ce que le dernier privilège fiscal soit aboli. Et nous nous battrons dans les cantons pour que l’imposition des entreprises ne soit pas trop réduite et que les réductions cantonales antérieures de l’impôt sur le capital soient annulées. C’est cela qui est important aujourd’hui, et c’est la raison pour laquelle le PS a besoin de votre soutien. 

Rebekka Wyler, co-secrétaire générale du PS Suisse

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