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Champ libre aux sciences sociales

Collectif, Champ libre aux sciences sociales. Manifeste, Paris, Editions du Croquant/La dispute, 2013, 63 p.

Une soixantaine de chercheurs signent un manifeste : «Champ libre aux sciences sociales. La connaissance libère ».

Le propos est dans la lignée des travaux menés par Pierre Bourdieu. Il se veut un plaidoyer en faveur des sciences sociales, des sciences sociales émancipatrices face aux mécanismes de la domination avec des travaux mettant, notamment, en lumière les rapports de force n’apparaissant pas d’emblée dissimulés, par exemple, sous des visions essentialistes du genre humain.

Faire de la recherche en sciences sociales n’est donc pas seulement un engagement scientifique, mais également un engagement citoyen, voire politique au sens large du terme.

Ce manifeste en appelle à la responsabilité des chercheurs vis-à-vis de la société et des groupes les plus discriminés en particulier. En effet, l’éthique constitue un thème majeur. Elle consiste d’abord en l’administration de la preuve par des recherches empiriques. Ainsi, seule l’analyse des données factuelles permet de se prononcer. Par ailleurs, la nécessité de pratiquer l’auto-analyse est affirmée. La clarification de la genèse du point de vue scientifique et de ses multiples limites et contraintes demeure aussi d’indispensables démarches.

Au niveau des réformes du monde académique, les auteurs critiquent la mise en concurrence des universités. Quant à la tendance au financement de la recherche par projet, elle mène à la précarisation. De surcroît, le renforcement de l’évaluation des chercheurs manque d’objectivité : les charges d’enseignement et les tâches administratives étant inégalement réparties suivant le lieu d’exercice ou le statut. A en croire les rédacteurs, la loi française LRU (Loi relative aux libertés et responsabilité des universités) a « dévasté » (p. 35) le paysage universitaire. S’ajoute à ces problèmes un conservatisme des milieux de l’édition et du monde médiatique peu enclins à valoriser les travaux les plus critiques.

Tout cela nécessite une riposte. Elle passe par l’organisation de rencontres « citoyennes » avec un public pouvant se saisir des acquis de la recherche dans le but de se défendre contre les violences symboliques. Le contact avec les militant-e-s s’avère riche au niveau intellectuel, notamment, afin d’éviter un entre-soi cloisonnant.

Enfin, l’idée de « l’intellectuel collectif » réapparaît, thème déjà abordé par Pierre Bourdieu, en particulier, à la fin de sa carrière.

Cet opuscule procure une lecture stimulante. Le rappel à la responsabilité des chercheurs demeure toujours une option bienvenue. Il en va de même de celui concernant une posture critique en lien inévitable avec les luttes sociales. Toutefois, les idées émises n’ont rien de novateur. Elles ont, en effet, déjà été développées au sein de différents travaux d’où parfois le sentiment que les auteurs ressassent des propos déjà lus ou entendus à différentes reprises. Cependant, l’on ne peut que souhaiter du succès dans l’application des changements souhaités et des intentions formulées. En effet, sur de nombreux aspects, ce livre est extrêmement lucide.

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