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Australie : les coûts sociaux des politiques sociales

Le parlement australien a récemment étendu les essais de la carte de débit pour l’accès à des prestations sociales pour plusieurs régions.

Cette action s’inscrit dans une politique plus globale de gestion des revenus New Income Management (voir Pages de gauche n° 150) qui est somme toute une expérience paternaliste et stigmatisant les populations indigènes déjà précarisées. Malgré des évaluations négatives, le gouvernement persiste dans cette voie. En 2014, le gouvernement avait mis en place une évaluation indépendante globale pour rendre compte du New Income Management dans les Territoires du Nord.

La carte de débit

Les essais pour de la carte de débit électronique ont débuté en 2016 dans le sud et l’est de l’Australie. La carte électronique consigne 80 % des aides sociales reçues par les bénéficiaires en âge de travailler (15- 64 ans) avec l’objectif de limiter l’argent liquide et l’achat d’alcool, de drogue et des jeux de loterie. Celles et ceux qui reçoivent des aides pour leur situation de handicap ou de chômage, ou encore les jeunes font obligatoirement partie de l’essai. Les personnes âgées, militaires ou les salarié·e·s peuvent prendre part aux essais sur une base volontaire.

Plusieurs problèmes

L’essai touche d’une manière disproportionnée les Aborigènes et les indigènes du détroit de Torrès (nord du Queensland), bien que le gouvernement ait affirmé que la carte de débit concernait aussi les bénéficiaires de l’aide sociale non indigènes. Ces affirmations sont proprement cyniques alors que la carte de débit était une des recommandations principales du rapport sur les indigènes que le gouvernement avait demandé au magnat des mines Andrew Forrest.

Cet essai a augmenté les difficultés au quotidien pour les pauvres. À cause de la désorganisation administrative, mais surtout du fait de la conception même du système. Les gens sont obligatoirement associés à l’essai, parce que l’hypothèse sous-jacente est qu’ils adoptent des comportements à risques, qu’ils surconsomment de l’alcool, jouent aux jeux d’argent et s’adonnent aux drogues. La réalité est que la plupart des personnes contraintes d’utiliser cette carte de débit vivent en situation de pauvreté causée par une multitude de facteurs, en particulier celui de vivre dans des contrées éloignées et périphériques avec peu de perspective d’emploi.

Être contraint·e d’utiliser la carte de débit rend difficile la vie quotidienne : acheter des habits de seconde main ou payer pour le transport devient compliqué. Lors de la dernière évaluation du système, 32% des bénéficiaires voyaient leur vie pire qu’avant contre 23% qui percevaient une légère amélioration. Ces effets contraires corroborent les résultats d’autres recherches sur le New Income Management menées dans les Territoires du Nord. Celles-ci montrent des effets négatifs sur les enfants, avec une réduction de leur poids à la naissance (due au stress des mères et à la difficulté d’accéder à l’argent) et une diminution de la fréquentation de l’école. La décision de mettre en œuvre la carte de débit n’a pas été une décision prenant en compte la diversité de la population et des intérêts. Elle a été prise par le gouvernement au mépris d’une véritable consultation et des résultats des évaluations.

Où sont les emplois ?

De manière perverse, le seul moyen de sortir de l’essai est de trouver un travail, alors même que la plus grande cause du chômage est le manque de travail formel, digne et stable, et que les communautés indigènes sont déjà les plus touchées. Le coût social de cette politique est énorme. Beaucoup souffrent de difficultés matérielles et émotionnelles, les communautés ont été mises sous pression par ces interventions intrusives et tout l’argent investi dans l’essai n’a produit de résultats concluants. Que l’expérience de la carte de débit continue d’être promue par le gouvernement et les forces néolibérales met en évidence leur obsession de mettre en œuvre une politique néocoloniale et punitive pour des gains économiques et symboliques au détriment des personnes les plus vulnérables.

Elise Klein, Université de Melbourne (traduction : MG) / version originale

Article paru dans Pdg no 167

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