À Nyon, des SI plutôt qu’une SA

Chloé Besse (Conseillère communale PS Nyon) •

L’accès à l’eau et à l’électricité devrait être un droit universel. Les enjeux environnementaux actuels donnent aux distributeurs d’énergie, de gaz et d’eau une double possibilité. On peut d’une part construire une politique énergétique publique en y intégrant la mutation du système énergétique au profit du bien commun, ou d’autre part déléguer ces compétences à des entités privées, pour lesquelles la loi du marché prédomine sur le service offert aux citoyen·ne·s.


Comme bien d’autres villes en Suisse romande, Nyon possède encore à ce jour ses propres services industriels. En 2018, ce service public a manqué d’être transformé en plusieurs sociétés de droit privé regroupées sous l’égide d’une entité faîtière. Le préavis déposé par la Municipalité auprès du Conseil communal est alors âprement discuté. Deux visions diamétralement opposées d’une politique de l’énergie s’affrontent. En deçà du démantèlement d’un service public communal, c’est bien de la vision stratégique future qui accompagnera les citoyen·ne·s nyonnais·es dans la transition énergétique dont il est question. Le préavis est renvoyé à la Municipalité par une majorité du Conseil. À ce jour, un éventuel nouveau projet dort toujours dans les tiroirs de l’exécutif.

Une gouvernance à la hauteur des objectifs

Les services industriels sont-ils capables d’assumer les objectifs ambitieux d’une transition énergétique en restant un service public? La réponse est oui. Le virage du changement ne repose pas uniquement sur une forme de gouvernance, mais plutôt sur la définition d’une stratégie énergétique claire. Les services industriels sont aujourd’hui investis d’une fonction cruciale: participer activement à la politique de l’énergie dans l’application des objectifs écologiques fixés par les autorités.

À Nyon, les partisan·e·s de l’autonomisation des SI s’alarmaient de la lenteur de notre système démocratique, qui scléroserait les décisions et la réactivité du service communal sur un marché de l’énergie en plein marathon financier. Les responsables politiques sont alors vus comme des embûches décisionnelles. Les écarter des décisions directes ne reviendrait pourtant pas à les empêcher d’accomplir le mandat que le peuple leur a confié? Actuellement, les Services industriels agissent en lien avec les autorités, s’y réfèrent directement ; ils sont donc rattachés aux citoyen·ne·s.

Face à la transition énergétique, la responsabilité doit être collective. Face aux défis actuels, en matière d’ouverture des marchés ou avec l’arrivée de nouvelles technologies, la réelle innovation serait non pas tellement d’être les meilleur·e·s, mais les plus dynamiques. Le service public doit se positionner comme distributeur de services de proximité afin de répondre aux besoins des consommatrices·eurs, tout en ayant des propositions visionnaires dans un contexte de transition.

Des SI à la SA, ou les effets directs et indirects sur une politique communale

À Nyon comme ailleurs, la disparition voulue du service public s’est trouvée une motivation principale: la réduction des coûts. Pourtant, une entité communale ne se prête pas au modèle de gestion d’une entreprise privée. Si une ville arrive sur le chemin de l’autonomisation avec des plans d’investissement à large échelle, sur quel marché va-t-elle faire son beurre? Il demeure, outre la répercussion des prix sur les usagères·ers, le risque d’aller s’attaquer au marché des prestataires de services, comme les électricien·ne·s, et ainsi faire de la concurrence déloyale à des petites et moyennes entreprises régionales.

L’arrivée des questions climatiques dans le domaine politique a accéléré l’évolution de la politique énergétique. La stratégie 2050 en pose un cadre général. D’une simple politique d’approvisionnement, nos services industriels doivent à présent faire une politique multidimensionnelle, et celle-ci doit impérativement être planifiée, en coordination avec les décisions politiques plus générales de la commune et, au-delà, du canton et de la confédération. La privatisation et, pire, la mise en concurrence empêchent ce travail pourtant indispensable.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 178 (hiver 2020-2021).

Crédits image: Marko Blažević sur Unsplash.

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