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Quand Temps Présent attise la haine et la xénophobie!

Un profond malaise règne au sein de la communauté africaine de Suisse. Ceci suite à un reportage intitulé «Cherche Blanc à marier» diffusé le 30 mai dernier à la Télévision Suisse Romande (RTS) dans l’émission Temps Présent. Dans ce furieux débauchage de clichés et de redites, le Cameroun est présenté comme un pays où toutes et tous n’aspirent qu’à s’expatrier et à escroquer les Blancs. Un reportage de 56 minutes sur forme à peine voilé de propagande minimaliste, caricaturale, stigmatisant et discriminante.

Que sait-elle du Cameroun?

La journaliste Isabelle Ducret ne se gêne pas de traiter, et de façon péjorative, le poumon économique de l’Afrique centrale de «pays pauvre»! Pas vraiment surprenant de la part d’une personne qui n’hésite pas à instrumentaliser les propos des enfants de très bas âge pour alimenter une manipulation. En effet, dans le reportage, des enfants de moins de dix ans  sont interviewés de façon scandaleuse, des questions orientées sont posées comme «toi, tu veux te marier avec une blanche ?» A-t-elle, au préalable, demandé l’autorisation des parents de ses enfants avant de procéder aux interviews? Certainement pas, ne craignant pas d’être traînée en justice par les parents d’enfants pauvres et vulnérables. Les responsables du reportage savent-ils que le Cameroun représente aujourd’hui la moitié du PIB de la communauté économique des États de l’Afrique centrale? Que le Cameroun est la première puissance économique de l’Afrique centrale? Faut-il encore rappeler que l’Afrique centrale est très riche en matières premières énergétiques et minières? Combien de temps ont-ils passé au Cameroun? Savent-ils que le Cameroun a plus de 250 ethnies parlant toutes des langues différentes? Que c’est une société très multiculturelle, où on retrouve notamment une population blanche d’environ 300’000 personnes, surtout des Européen•ne•s (Suisses inclus•es) ayant pris la nationalité camerounaise et parfaitement intégré•e•s? Savent-ils que des classes sociales existent aussi au Cameroun ? Isabelle Ducret dit dans le reportage « il a été facile de nous procurer de faux documents administratif et pour cela nous sommes allés à 1H30 de Yaoundé ». Bizarre ! Pourquoi aller dans une cambrousse s’il est facile de faire du faux? Ces filles qu’on voit dans le reportage en train de s’exhiber dans les Cyber-cafés, sont-elles des comédiennes ou alors des filles qui cherchent des blancs ? Pourquoi se filment-elles à visage découvert alors qu’on n’a jamais vu les blancs qui causent avec elles ? Ont-elles été rémunérées ? Avant de juger, il faut connaître, cela prend beaucoup de temps, mais Temps Présent n’en a manifestement pas suffisamment, et encore moins l’intention de bien faire son travail.

Sinon, comment comprendre le point visé de ce reportage avilissant sur le Cameroun. Comment ne pas penser que ce reportage est animé par un but inavoué, celui de jeter l’opprobre sur tout un pays? Il y a assez d’éléments qui indiquent une malveillance cyniquement orchestrée par l’équipe de Temps Présent pour servir des stigmates fraîches à une opinion publique majoritairement xénophobe et protectionniste à l’excès, à la veille d’un référendum sur le durcissement de la loi sur l’asile en Suisse.

Un reportage vicié à la base

Je me rappelle encore ce fameux après-midi du 6 février dernier où M. Philippe Mach, réalisateur de la fameuse émission, a envoyé un e-mail à la rédaction de Voix d’Exils, cherchant notamment à entrer en contact avec moi. Ce que j’ai approuvé. Le soir même, il m’appelait, sollicitant ma collaboration pour un reportage sur le Cameroun. Mais une fois informé de l’angle choisi par l’équipe, j’ai vite déchanté.

Il était clair que l’équipe de ladite émission, non seulement allait contre mes valeurs et principes, mais aussi à l’encontre du respect de la déontologie et de l’éthique du journalisme.  Ils affichaient une mauvaise foi sans pareille. L’angle choisi frôlait la charge. Morceaux choisis : «nous voulons faire un reportage sur des Camerounaises, mariées au Cameroun, mais qui ont laissé leurs épouses et enfants au Cameroun pour venir exercer la prostitution ici en Suisse ». « Nous allons également « zoomer » sur celles qui sont mariées au Cameroun à un Camerounais et en même-temps mariées ici en Suisse à un Suisse… ». Inutile de dire que j’ai refusé cette proposition, tout en proposant un autre angle, plus objectif et instructif, qui sans surprise fut refusé. Pour Temps Présent, il n’était pas question de faire un reportage objectif mais carrément orienté. L’équipe avait déjà sa petite idée en tête: salir le Cameroun et ses habitant•e•s . Confronté à mon refus sec de faire partie de cette mascarade, M. Mach m’avait dit que son équipe allait se rendre au Cameroun. Pendant quatre mois, ils ont réussi à faire un reportage abject, digne d’une propagande de la Pravda aux pires heures du stalinisme ! Ce reportage, présenté sous prétexte de dénoncer des pratiques douteuses, témoigne d’un sérieux manque d’éthique journalistique: des clichés réducteurs sont martelés avec des procédés des communications très douteux, le reportage se concentre sur des faits anecdotiques sans jamais chercher à montrer la réalité dans son ensemble, sans un soupçon de recul ou d’analyse. Tout un pays est ainsi stigmatisé! Lors de leur reportage, la volonté de la journaliste et son équipe est manifestement de manipuler des esprits visiblement aux abois dans leur quotidien et dépourvus de tout discernement face à des questions orientées pour généraliser et stigmatiser. Faire croire que le pays le plus dynamique d’Afrique centrale, doté de l’une des populations les plus instruites du continent africain est un pays pauvre et sans avenir démontre une volonté manifeste de nuire. Pire, c’est créer une atmosphère de suspicion propice aux jeux des partis de la droite xénophobe et raciste qui gouvernent en Suisse. Et pour bien planter le décor, un taudis (comme il en existe partout dans le monde) est choisi comme modèle de quartier camerounais. Pourtant, l’équipe de Temps Présent n’a pas passé la nuit dans le fameux quartier Manguier «où les Blancs n’entrent jamais» selon le reportage, mais sûrement dans l’un des nombreux quartiers chic que compte Yaoundé comme Odza, Bastos, Koweit City, Santa Barbara, etc. Des quartiers entiers regorgeant de belles maisons, de villas magnifiques, construites à la sueur de leur front par des Camerounais•es qui ont travaillé dur pour se hisser hors de la misère, sans assurance-chômage, ni assurances-vieillesse encore moins assurances-maternité.

Temps Présent nous a servi un reportage racoleur, qui grossit un phénomène pourtant qualifié par le présentateur, M. Ceppi, de «marginal et minoritaire». Quel est alors le but du reportage, peut-on à bon droit se demander.  Dénoncer la corruption, la dictature et la misère au Cameroun? Détruire le «label Cameroun»? Attiser la haine xénophobe et raciste? Il faut avouer que c’est un reportage polémique qui ne reflète en aucun cas la réalité. Partis sur des clichés, ils ont ramassé des guides par-ci par-là et sont tombés sur une journaliste camerounaise qui voulait peut-être se faire un nom à tout prix. L’amateurisme et/ou la mauvaise foi atteint son paroxysme quand on voit une coiffeuse d’origine africaine installée à Genève, se prendre pour une sociologue et autre consultante-spécialiste  du Cameroun dans le reportage!

Passant du coq-à-l’âne, ils disent que le Cameroun «est dirigé par un dictateur qui a passé 30 ans au pouvoir» en omettant de dire qu’il passe plus de la moitié de son temps en …Suisse, logeant dans un hôtel cinq-étoiles à Genève, où il loue tout un étage à l’année avec l’argent des contribuables camerounais. Le Cameroun est certes gouverné d’une main de fer par un dictateur depuis trente-deux ans mais les Camerounais•es sont travailleuses•eurs et intègres malgré tout! Le journalisme a pour mission de contextualiser ses sujets, et non de mettre la loupe sur un aspect isolé et insignifiant si l’on ambitionne d’informer et non de faire de la propagande.

Pensez à ses fèves de cacao

L’équipe de Temps présent aurait dû au préalable bien définir son sujet, isoler des échantillons de cibles à enquêter, choisir les plus marquantes pour pouvoir enfin prétendre dire des choses se rapprochant de la généralité vécue au Cameroun, sans s’arrêter au seul cas de Yaoundé. Le Cameroun est un beau pays qui malgré ses qualités et ses défauts (comme partout ailleurs), suscite des convoitises et mérite l’admiration.  La mentalité d’un individu ou d’un groupuscule, ne caractérise pas l’ensemble de la population. Tou•te•s les Camerounais•es et tou•te•s les Noir•e•s ne rêvent pas d’épouser un•e Blanc•he, et tou•te•s les Camerounais•es et les Noir•e•s ne sont pas des crève-la-faim! Il faut arrêter de diaboliser les pays africains en général et le Cameroun en particulier. Pensez à ses fèves de cacao qui vont chez vous au prix de rien et dont les diverses préparations satisfont vos papilles gustatives, tout cela au détriment de ces braves gens  qui, pour certains, ne savent même pas le goût du vrai chocolat et à qui vous viendriez par la suite vendre des illusions pour satisfaire lesquels désirs vous seuls savez.

Une chose est certaine, Temps Présent a discrédité le sérieux qu’une chaîne publique est censée incarner, et son équipe a fait preuve d’une malhonnêteté intellectuelle couplée d’une ignorance criante de ce que sont vraiment le Cameroun et sa culture. Dommage pour celles et ceux dont le premier contact avec le Cameroun sera ce reportage. Il est mauvais et biaisé. Heureusement qu’il y a encore parmi les Suisses des hommes et femmes de valeur qui comprendront l’arnaque.

 

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