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L’irrésistible retour de Brecht

 

Au vu de la programmation de cette saison théâtrale, force est de constater le retour marquant du dramaturge allemand Bertolt Brecht (1898-1956). Ce ne sont pas moins de trois pièces qui ont été jouées: La résistible ascension d’Arturo Ui (Théâtre de Vidy à Lausanne, octobre 2012), Sainte-Jeanne des Abattoirs (Grütli à Genève, janvier 2013) et Têtes rondes, têtes pointues (théâtre de la Voirie à Pully, février 2013). Et cela sans compter des pièces d’inspiration brechtienne comme Que faire? qui vient d’être jouée à Renens (Kléber-Méleau). Ce regain d’intérêt s’explique peut-être par la ressemblance entre la situation actuelle et celle des années 1930 (crise financière, chômage, montée des extrêmes politiques).
Mais ce n’est sans doute pas la seule raison. À vrai dire, de par son influence théorique sur le théâtre du XXe siècle, Brecht n’a jamais quitté la scène. Par contre, ce que l’on redécouvre aujourd’hui, c’est son infatigable dénonciation des injustices sociales issues du modèle économique capitaliste, accompagnée de son indéniable talent pour signifier l’engagement politique du théâtre (confronter les spectatrices·eurs à la réalité de ces problèmes).
Ainsi dans Arturo Ui, il décrit la montée en puissance d’un homme médiocre (Hitler), que tout le monde redoute mais que personne n’arrête, tout en montrant avec précision le fonctionnement des processus économiques et politiques qui la permettent et, en même temps esquissant la possibilité de l’action à chaque étape de cette ascension pour changer le cours de l’histoire. On soulignera l’audacieux parti pris du metteur en scène: faire le parallèle entre le truand et les banquiers de Goldmann Sachs.
Dans Ste Jeanne, Brecht dépeint toutes les nuances des obstacles que ceux qui luttent doivent surmonter lorsqu’ils sont pauvres et affamés, tout en soulignant que le moindre geste compte dans le succès d’une grève ouvrière.
Enfin, le leitmotiv de Têtes pointues, têtes rondes consiste en l’époustouflante capacité des dominant·e·s à diviser les dominé·e·s sur des différences superflues (la forme de la tête) et par là détourner habilement l’attention des vrais problèmes (l’inégale répartition des richesses).
C’est à partir de tels éléments, exposés avec un soin de la langue, de l’action et de l’ironie, que le public approfondit sa compréhension du problème et se positionne. A la sortie de la salle, c’est à lui de jouer. Il connaît les enjeux du problème et il est conscient du rôle qu’il lui incombe d’assumer: c’est en cela que consiste le miracle du théâtre brechtien.

 

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